DISCOURS INTÉGRAL DE GBAGBO A LA CPI: «QUI A GAGNE LES ÉLECTIONS?»
DISCOURS INTÉGRAL DE GBAGBO A LA CPI: «QUI A GAGNE LES ÉLECTIONS?»

Un grand homme d’État, un grand et digne fils d'Afrique a parlé. Un véritable cours magistral de démocratie à l'innommable Alassane Dramane Ouattara, à l'Afrique et au monde, surtout à la communauté internationale qui ne voulait voir en ce démocrate de haut vol qu'un vulgaire dictateur sans référence et sans grade. Laurent Gbagbo leur a prouvé le contraire et a volé au-dessus de la mêlée grouillante des complots internationaux et de la bassesse humaine. Appréciez! Si c'est le droit qui est dit à la CPI, Laurent Gbagbo sera bientôt de retour sur les bords de la Lagune Ebrié. Courage, digne fils d'Eburnie, on ira jusqu'au bout! Fernand Dindé.
Madame la Présidente,
Madame et Messieurs les Juges ;
J’ai suivi ces débats. J’ai entendu beaucoup de choses. Certaines fois, je me suis retrouvé en Côte d’Ivoire, mais d’autres fois, je m’en suis trouvé tellement éloigné, tellement les questions qu’on posait étaient loin de ce que nous avons vécu. Et je me suis dit, pourquoi dans la justice moderne, y a-t-il des camps retranchés? Parce que sur beaucoup de questions, aussi bien l’accusation que la représentante des victimes que vous-mêmes, vous auriez pu m’appeler. J’aurais pu donner des informations, ne serait-ce que des informations que vous auriez pu vérifier après. Mais pour fluidifier le raisonnement. J’aurais pu dire beaucoup de chose, sur des petites questions. Par exemple, quand on dit "il a signé un papier pour déployer l’armée". JAMAIS!
J’ai signé un Décret pour que toutes les FDS (Forces de Défense et de Sécurité, ndr) soient mobilisées. Mais c’est une pratique qui date de 1961, qui date de l’époque où l’armée a été créée. Le Chef de l’ État peut, en cas de troubles, signer un Décret. Parce que la Police, c’est la Police, ensuite il y a la gendarmerie, mais si ces deux forces sont totalement submergées, elles peuvent appeler l’armée en renfort. Et donc, pour ça, le Président de la République signe un décret qu’il donne aux différents chefs. C’est à eux d’utiliser l’armée ou de ne pas l’utiliser. Et ça dépend de ce qu’ils pensent de la situation. Donc, c’est des choses pratiques et petites, qu’on aurait pu expliquer.
Quand le Chef des FDS est venu me dire "Ah la situation à Abobo, il y a les soldats d’IB, je pense que c’est eux les commandos invisibles. Donc, on ne sait pas comment ça va aller".
Je dis : "Qu’est-ce qu’on fait ?"
Il dit : "Signez toujours un décret et puis on va garder ça. Et si on n’en a pas besoin, on n’en a pas besoin ! Mais si on en a besoin…".Donc, il y a plein de chose comme ça.
Et puis, il ne faut pas me donner des parents que je n’ai pas. Je crois qu’on veut faire comme souvent en Afrique. Et En Europe, vous dites, les africains, c’est comme ça ils gouvernent. Je ne gouverne pas avec ma famille. Moi, je suis un Chef de l’État, Président de la République. Ma femme, elle est députée et Kadet n’est pas mon neveu. Le mot neveu est un mot français. J’ai des neveux ici qui sont dans cette salle. Mais Kadet n’est pas mon neveu. Il a été Ministre de la défense, Ministre délégué à la défense. Il était mon conseiller. Je ne gouverne pas avec ma famille. Peut-être que ça se fait comme ça en Afrique. Mais pas en Côte d’Ivoire, au temps de Gbagbo. C’est-à-dire, il y a des petites choses comme ça qu’on aurait pu éviter. Ça a alourdi pour rien l’atmosphère. Et ça nous empêche d’aller immédiatement au fond du problème.
Madame la Présidente, toute ma vie, et ça, ça se sait non seulement en Côte d’Ivoire, mais dans toute l’Afrique et dans toute la France politique. J’ai lutté pour la démocratie. J’ai demandé à mes avocats la semaine dernière, je leur ai dit que je veux vous envoyer tous mes livres que j’ai écrits sur mon parcours. Ils ont dit, c’est trop tard pour introduire ces livres-là. Mais, quand on aura fini, quelque soit le résultat, quelque soit ce que vous décidez, j’enverrai un lot des livres de Gbagbo au bureau du procureur et je vous enverrai un lot des livres de Gbagbo. Parce qu’en fait, c’est ça l’homme. Il marche, il marche. Mais il laisse des traces sur le chemin qu’il parcourt. Comme ça on peut le retrouver.
J’ai lutté pour la démocratie. Et c’était au moment où nous ne savions même pas si le mûr de Berlin allait s’écrouler. Nous ne savions pas ça. Donc on luttait avec un courage. Mais on était convaincu que nous mêmes, on n’allait pas voir la démocratie triompher. Mais le mûr de Berlin c’est écroulé et nous a aidés à gagner la victoire du multipartisme et de la démocratie.
C’est pourquoi, je voudrais simplement dire et je ne vais pas aller plus loin. Je voudrais simplement dire que madame la Procureure, puisse que ça existe maintenant en français, on met un "e" à la fin. (Rire)! Madame la procureure a dit une phrase qui m’a un peu choqué. En disant que : "nous ne sommes pas là pour voir qui a gagné les élections et qui ne les a pas gagnées". Mais on ne peut pas débattre de la crise postélectorale et ne pas savoir comment les élections se sont passées. Qui a gagné les élections ? Parce que c’est celui qui ne les a pas gagnées qui a semé des troubles. Je crois que c’est ça la logique. Donc la question est là. Qui a gagné les élections ? Et donc quand je demandais qu’on recompte les voix. Ce n’était pas une phrase en l’air. Vous avez vu vous-mêmes les documents dont dispose l’accusation et sur lesquels les voix des électeurs sont répertoriées. On a vu que dans la seule ville de Bouaké, on a ajouté 100.000 voix à mon adversaire. Donc Madame, c’est ça le fond de la question. C’est ça le fond de la question.
On nous a attaqués en 2002, j’ai fait mon travail. C’est-à-dire que je n’ai jamais cru que la Côte d’Ivoire allait s’en sortir par la guerre. Je n’ai jamais cru ça. J’ai toujours cru qu’on s’en sortirait par la discussion. Même si je sais qu’ils ont tord. Mais, pour s’en sortir, j’ai toujours cru en la discussion. Alors, j’ai parcouru toute l’Afrique. On a fait les négociations de Lomé. Ils ont fait les négociations de Marcoussis et de Kléber. Mais ça, je laisse ça de côté. Nous avons fait les négociations d’Accra I, Accra II, Accra III, sous la Présidence de John Koufor. Nous avons fait les négociations, à partir de juin 2005, de Prétoria I et de Prétoria II sous la Présidence de Tabo Mbéki. Nous avons tout fait. Nous avons tout fait pour que la discussion avance. C’est à Prétoria, C’est à Prétoria que j’ai demandé à Tabo Mbéki de m’aider à trouver une solution légale pour qu’Alassane soit candidat. Parce que ça empoisonne la situation. C’est à Prétoria, en 2005. Nous nous sommes retrouvés. Tabo Mbéki, Konan Bédié, Ouattara et moi-même. J’ai demandé à Ouattara de faire la traduction entre Tabo Mbéki et moi. C’est là que je leur ai dit que ça ne me gênait pas que Ouattara soit candidat. Mais comme mon électorat aussi est là, il faut que Tabo MBéki nous écrivent à nous tous à Abidjan pour qu’après je puisse prendre une décision. Je n’aime pas l’article 48 de la constitution. C’est comme l’article 16 de la constitution française. Ça donne énormément de pouvoir. Mais ce jour-là, j’ai pris l’article 48 de la constitution et j’ai permis à Ouattara et à Konan Bédié d’être candidats. Donc madame, voilà ce que je voulais vous dire.
Nos pays, nos États, et ce sera mon dernier point, sont fragiles. Et chaque fois qu’un chef d’Etat européen ou occidental me disait faites la démocratie en Afrique, je lui disais, nous avons besoin de la démocratie, non pas parce que vous, vous le dites, mais parce que nous-mêmes nous en avons effectivement besoin pour construire nos États.
Madame, regardez la Côte d’Ivoire ! Si nous l’employons pas la démocratie, nous allons choisir comment le chef de l’État. Il y à l’Est, adossé à la frontière ghanéenne, le Akans qui ont un mode à eux pour choisir leur chef de village ou de canton ou leur roi. Nous avons à l’ouest, un pouvoir éparpillé. Nous avons, au nord, les malinkés islamisés qui se regroupent autour des mosquées. Et à côté d’eux les Senoufos qui se retrouvent dans les bois sacrés. Quel mode électoral allons-nous prendre? Donc la démocratie nous aide, parce qu’elle fait taboula rasa sur tout ça et elle donne à chaque individu considéré comme citoyen, une voix. C’est pourquoi, je me suis engagé dans la lutte pour la démocratie. Et puis nous, qui venons de famille très modeste, s’il n’y a pas la démocratie, jamais on aurait de poste élevé. Moi, les gens avec qui j’ai été à l’école, quand j’ai été élu Président, ils n’étaient pas étonnés parce qu’ils savaient mon engagement. Mais ils sont venus me saluer et saluer mon courage. Parce que je n’étais pas le plus aidé, je n’étais pas le plus intelligent, je n’étais pas le plus riche. Donc, nous avons besoin de la démocratie, Madame. Mais la démocratie, ce n’est pas seulement le vote. C’est qui dit le vote. Qui dit le résultat de vote, c’est ça aussi la démocratie. Quand on s’en va prendre une nuit le Président du groupement électoral, qu’on l’amène dans le QG électoral d’un candidat, qu’on invite une télévision étrangère pour lui dire de parler et on le filme et on diffuse ça dès le lendemain matin, ce n’est pas très démocratique ça. Ce n’est pas la démocratie. La démocratie, c’est le respect des textes, à commencer par la plus grande des normes en droit qui est la constitution. Qui ne respecte pas la constitution, n’est pas démocrate. Madame, c’est parce que j’ai respecté ma constitution qu’on veut m’amener ici. Alors, bon. Je suis là, mais, je compte sur vous. Je compte sur vous, parce que je souhaite que tous les africains qui me soutiennent et qui sont tout le temps ici, devant la Cour, devant la prison, dans leur pays entrain de manifester entrain de marcher. Tous ces africains, qu’ils comprennent que le salut pour les Etats africains, c’est le respect des constitutions que nous nous donnons, et des lois qui en découlent.
Je vous remercie, Madame.
Une transcription d'Alain Doh Bi
Vidéo intégrale de l'intervention du Président Laurent Gbagbo
Source: Le blog d'Alain Doh Bi
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