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Le blog de Lucien PONS

[Invité] La Pauvreté aux USA – Éléments de réflexion, par Onubre Einz. Le blog d'Olivier Berruyer.

22 Mars 2014 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La mondialisation

 Le 21 mars 2014.
Le 21 mars 2014.
[Invité] La Pauvreté aux USA – Éléments de réflexion, par Onubre Einz.
Nous faisons une simple étude de la pauvreté aux USA.

Notre papier veillera  a toujours exprimer les données en chiffres absolus et en pourcentage  afin donner une interprétation  exagérée  de chiffres trop souvent cités hors de tout contexte.

Pour une fois, notre papier ne sera ni long ni compliqué. Il complétera utilement les données sur le chômage récemment publiées  en donnant à l’analyse de la crise plus de chair.

Nous traiterons de quelques questions essentielles de manière incise afin de rester focaliser sur la question du développement  de la pauvreté  aux USA. Ces questions concernent les relations entre pauvreté et le cycle économique,  la nature de la crise – grande récession ou dépression – ou encore l’interaction  entre taux d’activité  de la population en âge de travailler et montée de la pauvreté  depuis les années 2000.

Nous ferons enfin quelques remarques – encore très prudentes – sur l’impact de la crise sur les classes moyennes.

A – Les statistiques  de la pauvreté aux USA

Les données brutes de la pauvreté aux USA montrent que la pauvreté  n’a fait qu’augmenter depuis le début de la crise : de 39,8 Mn en 2006, le nombre des pauvres a atteint les 46,4 Md d’Américains  fin 2012.

Chaque année, les USA ont compté en moyenne 1,3 million de pauvres supplémentaire. Dans les faits , l’explosion de la pauvreté  se limite aux années 2007-2008, le nombre de pauvres  est stabilisé aux alentours de 46,3 Mn dès 2009.

Il semble que la stabilité du nombre de pauvres après 2009 soit un phénomène durable tranchant avec  les évolutions de la pauvreté consécutive  aux récessions antérieures.

Après la récession de 1982, le nombre de pauvres baisse lentement  en connaissant une série de paliers :  33 Mn (84-85), 32 Mn (86-87); Le recul de la pauvreté est plus rapide après la récession de 1990-91. La récession de 2001 est à part, le nombre de pauvres est tendanciellement à la hausse après 2001 à l’exception d’une année.

La poche de sous-emploi caractérisée par une baisse du taux d’activité semble s’être accompagnée  d’une augmentation tendancielle du nombre de pauvres aux USA dont la progression est stabilisée depuis 2008.


Les données brutes de la pauvreté  exprimées en pourcentage permettent de compléter utilement nos premières remarques.

Plusieurs constats  se dégagent de ce second graphique.

Les pics de pauvreté aux USA ont été sensiblement les mêmes durant les différentes récessions. Ils culminent chaque fois à 15 % du total de la population américaine.   La crise actuelle  n’est une exception qu’en raison de la durée du pic de pauvreté qui ne retombe pas depuis 2009.

Contrairement aux autres récessions,  le taux de pauvreté  n’a pas baisse après la crise du millenium, ce taux est ascendant depuis 2000 à l’exception d’une année.

Lors des deux dernières récessions, les pics des taux de pauvreté avaient connu une chute sensible entre 1983 et 1989 ou entre 1993 et 2000.

Pauvreté et chute du taux d’activité  semblent avoir marché de conserve pour augmenter la pauvreté aux USA, que cette pauvreté  s’exprime en valeur ou en taux.

L’intervention  de l’État fédéral n’a réussi qu’à stabiliser le taux de pauvreté et la croissance quantitative des pauvres qu’en finançant massivement les amortisseurs sociaux. Sans cette intervention sensible dès 2009, le nombre de pauvres aurait revêtu des proportions plus considérables reflétant la chute rapide du taux d’activité de la population en âge de travailler ; ce dernier est en effet  passé de 67 % à 63 % du total de la population en âge de travailler entre 2007 et aujourd’hui.

À partir de 2000, il semble que la chute du taux d’investissement, la substitution des services à l’industrie, la place des USA dans la division internationale du travail  aient généré un phénomène de pauvreté croissante  dont la contrepartie exacte est la chute du taux d’activité de la population en âge de travailler  qui atteint un pic dans la seconde moitie des années 90.  Après cette date, la croissance  génère une pauvreté croissante autant  qu’une invisible poche de sous-emploi.

À ce titre,  la pauvreté trahirait  les insuffisances  de l’accumulation du capital aux USA. Elle serait annonciatrice  de la crise de 2008 qui résulte de la sous-accumulation historique de capital productif aux USA.

Les taux de pauvreté  permettent d’apporter des éléments nouveaux sur le niveau de la pauvreté dans le pays. Le Census propose deux seuils de pauvreté :  les Américains sont étiquetés pauvres quand leur revenu est inférieur à 100 du seuil de pauvreté  ou quand il est inférieur  à 125 % du seuil de pauvreté. Le Seuil de 125 % présente l’avantage de rendre comparables les estimations de la pauvreté aux USA ou en Europe.

Nous pourrions reprendre, terme pour terme, les remarques sur les évolutions de courbes du graphique précédent – ce serait sans intérêt.

Il nous paraît plus intéressant de mesurer les écarts de niveaux de pauvreté que matérialise notre graphique.

Retenir le seuil de 125 % du niveau de pauvreté, c’est augmenter de 5 % en moyenne le niveau de pauvreté  aux USA entre 1980 et 2012.

Qui plus est, c’est aussi  rappelé qu’au moment des pics de pauvreté  des récessions, c’est toujours 20 % de la population qui se trouve appauvrie, soit un américain sur 5.

Durant la période intermédiaire entre la crise du millénium (2000) et la crise présente, on voit que la pauvreté  n’a fait que s’accroître, passant de 15,6 % de la population totale à près de 20 % aujourd’hui.

Distribuer des crédits immobiliers Subprime et Alt A  vers le bas de l’échelle sociale après 2000, c’était inévitablement  aller vers une crise immobilière et financière. La titrisation a permis de conduire le système financier  vers la catastrophe dans l’irresponsabilité générale.

Mais si nous en revenons à notre graphique, avec des niveaux de pauvreté  restant proche de 20 % du total de la population américaine,  la capacité de consommation d’une fraction non négligeable de la population américaine est durablement réduite.

Certes, les pauvres ne disposent pas d’un revenu important et d’une forte capacité de consommation, mais le gonflement rapide de leur nombre et la part du total de la population qu’il représente font que la persistance de hauts niveaux de pauvreté affecte nécessairement le moteur de la reprise constitué par le low 80-90 de la population américaine.

Il est difficile de déterminer quelle part des classes moyennes a pu rejoindre la pauvreté ou s’en rapprocher sous l’action  des difficultés  économiques  (chômage, temps partiel, sortie de la population active ) dégradant l’emploi de 15 % de la population américaine en âge de travailler.  Nous reviendrons sur cette difficile question dans un prochain post.

Les personnes américaines vivant  dans la très grande pauvreté – une très grande pauvreté comparable par nombre de côtés  à celle du tiers-monde – ont connu elle aussi une augmentation sensible de leur importance.  Il n’est pas nécessaire d’en dire plus.

B – Récession ou dépression

La persistance de la pauvreté  et d’un marché  du travail sinistré, une reprise toujours à crédit nous ont fait pencher depuis longtemps vers l’idée que cette crise est une dépression. Une dépression est une crise brutale résultant de déséquilibres anciens et nombreux rendant une reprise de l’économie longue  et incertaine.

Les chiffres de l’endettement public, une relance à crédit financée par les artifices de la FED et du Trésor, les opérations de QE gonflant la valeur des patrimoines financiers et immobiliers ; tous ces éléments nous conduisent à soutenir que la crise durera. Et la persistance d’une pauvreté  incompressible semble confirmer cette thèse. Comme le chômage réel, une croissance pauvre en emploi, mais riche en pauvres, paraît indiquer l’existence  d’une dépression longue .

Mais, c’est le croisement des allocataires du programme des Food Stamps et du nombre de pauvres qui plaide clairement en faveur de la thèse d’une dépression toujours en cours.

Il ne faut pas confondre les aides alimentaires avec le programme des Food Stamps qui n’existent plus depuis longtemps. Le programme alimentaire  peut aider les élèves des cantines scolaires, des personnes âgées, des familles monoparentales, des personnes seules : ce n’est plus la soupe populaire !!!  C’est une très bonne mesure des difficultés rencontrées par des millions d’Américains  pauvres ou économiquement fragiles. Mais on ne saurait  tenir pour strictement équivalent  le nombre d’allocataires   des programmes alimentaires du SNAP et le nombre de pauvres.

Il est assez intéressant de noter qu’entre 1980 et 2000, le programme d’aide alimentaire américain épouse les évolutions  du nombre de pauvres. Et que le nombre de pauvres épouse celui de la conjoncture économique.

Tout change après la crise du millénium : le nombre d’allocataires du programme  alimentaire et le nombre de pauvres se rapprochent au point de se confondre en 2012. La conjoncture  en apparence plus favorable – il y a croissance – ne se traduit plus par un recul de la pauvreté, mais par une affirmation simultanée de difficultés  alimentaires  et d’une croissance des pauvres en valeur absolue et en pourcentage.

Si nous allons plus loin, il apparaît aussi qu’une économie  d’endettement généralisé  peut bien faire du PIB avant (1998-2006) et après la crise (2009-2013), mais elle est dans les faits incapables de faire de l’emploi. C’est tout le caractère artificiel  de la croissance dans les déséquilibres que les chiffres de la pauvreté et des difficultés alimentaires de la population illustrent  avant et après la crise.  Nous trouvons là une nouvelle expression de la sous-accumulation  de capital productif aux USA et du caractère artificiel de la croissance, caractère artificiel  s’affirmant bien avant la crise de 2008.

La croissance entretenue à crédit par l’État fédéral ne réussit guère mieux que la croissance  dans l’endettement de tous les acteurs économiques privés d’avant la crise. C’est ce qu’indique  la situation  de la pauvreté, de l’alimentation et de de l’emploi réel qui n’est pas corrigée par un dumping économique généralisé. Les problèmes d’accumulation du capital ne trouvent pas leur solution dans des artifices de l’endettement privé et public.

Le niveau persistant de pauvreté  et les difficultés alimentaires semblent indiquer que la crise est une dépression durable qui vient de loin et va se poursuivre encore longtemps. Elle s’est amorcée au tournant des années 2000, a incubé  jusqu’en 2007 et a révélé ensuite tout son potentiel de nuisance. Ce potentiel de nuisance  ne semble pas épuisé.

Depuis la fin des années 90, La décorrélation de la croissance de la pauvreté et du taux d’activité de la population en âge de travailler du cycle récession-expansion plaide aussi en faveur de l’idée d’une entrée dans un cycle dépressif très long de la croissance américaine.

Notre dernier  graphique montre que cette crise semble affecter de manière continue une masse croissante  d’Américains . En effet, la stabilisation du nombre des pauvres à dater de 2009  n’a  aucune conséquence positive sur la croissance des allocataires  des aides alimentaires.

C’est une nouvelle pierre dans le jardin de la consommation du Low 90  des ménages affectée par la détérioration de l’emploi,  la stagnation  des revenus salariaux  réels et la montée de la pauvreté.  Ce second moteur de la croissance  – le premier étant celui du top ten – n’est pas prêt de redémarrer et de stimuler efficacement l’économie.

Et la politique de gonflement des patrimoines par les opérations de QE de la FED n’y changera  rien.

Ce que trahit la croissance plus rapide du nombre des allocataires  en comparaison du nombre de pauvres est le fait que nombre de familles américaines  rencontrent  des problèmes économiques sans pour autant devenir pauvres au sens du Census.

Ces personnes ne sont plus toutes issues des cohortes ordinaires de pauvres. Elles sont le produit de la crise – c’est pour cela que leur nombre d’accroît si vite. Il s’agit pour une part d’entre elles de membres des classes moyennes qui ont été directement touchées par le chômage,  les temps de travail contraint ou le retrait de la population active.

Il existe donc à côté de la croissance  des pauvres pénalisant la consommation des classes inférieures, une masse de nouveaux pauvres ou de gens en difficulté économique  qui sont issus des classes moyennes. C’est cette exclusion et la stagnation des salaires qui rendent une reprise véritable pour l’instant  douteuse.

La crise dure donc, le Krach brutal de l’économie de 2008  a bien été métamorphosé en Krach lent par les déficits publics ; la sortie de crise n’est pas encore à l’ordre du jour, contrairement à ce que laisse entendre  les chiffres d’une croissance toujours dépendante  du crédit fédéral.

Onubre Einz.

 

http://www.les-crises.fr/pauvrete-aux-usa/

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