La chasse au Montebourg est ouverte: existe-t-il, en France, un seul éditorialiste ayant son rond de serviette dans la bulle médiatique qui ait soutenu Arnaud Montebourg face à Lakshmi Mittal ?
La chasse au Montebourg est ouverte
Chronique
Jack Dion - Marianne | Jeudi 29 Novembre 2012

Question à un euro :Bon, d’accord, l’interrogation est encore plus simple que le quiz de culture générale proposé aux candidates au titre de Miss France. Mais quand même, le lynchage systématique du ministre du Redressement productif donne à réfléchir sur les mœurs en vigueur au sein de la caste journalistique.
Il aura suffi qu’Arnaud Montebourg ose demander des comptes au PDG de Mittal sur ses reniements successifs (il n’a tenu aucun des engagements pris là la suite de son OPA sur Arcelor) pour qu’il soit traité comme un petit voyou par les maîtres à penser, toutes tendances confondues.
A contrario, certains hommes politiques plutôt situés de l’autre côté de l’éventail politique ont plutôt réagi positivement à l’hypothèse d’une nationalisation temporaire de Florange. Ce n’est pas rien. Que Jean-Luc Mélenchon, le Front de gauche, et la CGT aient repris la balle de Montebourg au bond, c’est dans la logique des choses. Mais que Jean-Louis Borloo, Henri Guaino, François Bayrou, Thierry Breton, ou même le commissaire européen Michel Barnier, aient envisagé l’hypothèse d’une intervention publique pour sauver le pôle sidérurgique menacé, voilà qui est plus nouveau.
>> Lire aussi : Le grand bluff de Lakshmi Mittal
Rien de tel, en revanche, chez des éditocrates contaminés par le néolibéralisme pur et dur. Pas question pour eux de se demander si Arnaud Montebourg, au-delà de ses formules à l’emporte pièce, n’est pas fondé à mettre le groupe Mittal face à ses responsabilités. Quoi qu’il dise ou fasse, il a tort et cela ne se discute pas. Il doit donc être idéologiquement exécuté, comme d’autres l’ont été avant lui pour cause de crime de lèse majesté médiatique.
Il aura suffi qu’Arnaud Montebourg ose demander des comptes au PDG de Mittal sur ses reniements successifs (il n’a tenu aucun des engagements pris là la suite de son OPA sur Arcelor) pour qu’il soit traité comme un petit voyou par les maîtres à penser, toutes tendances confondues.
A contrario, certains hommes politiques plutôt situés de l’autre côté de l’éventail politique ont plutôt réagi positivement à l’hypothèse d’une nationalisation temporaire de Florange. Ce n’est pas rien. Que Jean-Luc Mélenchon, le Front de gauche, et la CGT aient repris la balle de Montebourg au bond, c’est dans la logique des choses. Mais que Jean-Louis Borloo, Henri Guaino, François Bayrou, Thierry Breton, ou même le commissaire européen Michel Barnier, aient envisagé l’hypothèse d’une intervention publique pour sauver le pôle sidérurgique menacé, voilà qui est plus nouveau.
>> Lire aussi : Le grand bluff de Lakshmi Mittal
Rien de tel, en revanche, chez des éditocrates contaminés par le néolibéralisme pur et dur. Pas question pour eux de se demander si Arnaud Montebourg, au-delà de ses formules à l’emporte pièce, n’est pas fondé à mettre le groupe Mittal face à ses responsabilités. Quoi qu’il dise ou fasse, il a tort et cela ne se discute pas. Il doit donc être idéologiquement exécuté, comme d’autres l’ont été avant lui pour cause de crime de lèse majesté médiatique.
Le Figaro et Les Echos ont sonné la charge depuis belle lurette. Au journal de 20 h de France 2, l’autre soir, l’ineffable François Lenglet a pris le relais. Pour lui, Arnaud Montebourg est un archaïque proposant des solutions dignes de l’ère paléolithique, un personnage dangereux pour l’image de la France à l’étranger, bref un clone des Bolcheviks. Etienne Gernelle, éditorialiste du Point, dénonce « la faute de M. Montebourg » et son « ahurissante sortie ». Au passage, il explique que Lakshmi Mittal, le pauvre, a déjà été « confronté à un dénigrement qui frisait la xénophobie », lorsqu’il a lancé son OPA sur Arcelor, en 2006.
Etrangement, on retrouve la même allusion à la «xénophobie » sous la plume de Nicolas Demorand, directeur de Libération. Ce dernier semble avoir oublié qu’il prônait voici peu le « souverainisme numérique » face à Google. En somme, quand il s’agit de défendre les intérêts de Libé et des patrons de presse, le souverainisme est acceptable, mais quand l’intérêt de la sidérurgie est en cause, cela relève du racisme. Comprenne qui pourra.
Dans L’Express, Christine Kerdellant se joint à la curée et cible elle aussi « les propos d’Arnaud Montebourg ».
Mais c’est Le Monde qui va le plus loin. Dans un éditorial, le journal du soir fustige « les rodomontades récurrentes du ministre ». Il l’accuse d’avoir déjà « rudoyé » Christophe Viehbacher, directeur général de Sanofi, et de concourir ainsi à faire fuir « les investisseurs anglo-saxons » sans lesquels la vie n’aurait plus de sens. D’où cette conclusion digne de Fouquier-Tinville : « Il ne suffira pas que François Hollande désavoue ses propos lorsqu’il rencontrera Lakshmi Mittal à l’Elysée. Il faut faire cesser ce prétendu jeu de rôle qui décrédibilise la parole et l’action publique ». Bref, Montebourg doit monter dans la charrette des condamnés.
Sauf erreur, Le Monde, qui se veut le quotidien de « référence » (sic) n’a jamais publié pareille admonestation à propos d’un quelconque autre ministre. En l’occurrence, s’il est quelqu’un à qui il faut demander des comptes, ce n’est pas au ministre mais au PDG d’un groupe qui fait la grève de l’investissement et qui laisse comme seule perspective à des salariés la marche vers Pôle Emploi.
De bonnes âmes ont regretté la « violence » des propos de Montebourg à l’égard de Lakshmi Mittal. C’est possible. Le ministre s’en est d’ailleurs expliqué. Mais la violence faite aux ouvriers et à leurs familles, ça ne compte pas ? La violence à l’égard d’une région abandonnée aux grands vents du déclin, ça n’existe pas ? Qu’est-ce qui décrédibilise le plus « l’action publique », comme dit Le Monde ? La parole de Montebourg s’inquiétant à juste titre de l’avenir de la sidérurgie ou les leçons de capitulation administrées par une presse qui se transforme en porte parole des naufrageurs de l’industrie ?
Dans sa folie éradicatrice, Le Monde est même allé jusqu’à expliquer que la décision de la Commission de Bruxelles de ne pas renouveler les mesures anti-dumping sur les briquets fabriqués en Chine, au détriment de Bic, était « un revers » pour Montebourg. Etrange. Qu’il s’agisse d’un revers pour l’Europe, incapable de se protéger contre le dumping salarial, ou pour François Hollande qui a ratifié un traité européen qui ne change rien à l’affaire, c’est évident. Mais pourquoi faire porter le chapeau de cette décision ubuesque à un ministre qui a proposé (avec d’autres) le principe d’un protectionnisme européen considéré comme un tabou par la bulle médiatique parisienne ?
>> Lire aussi : Pourquoi les idées de Montebourg survivront...
Que l’on nous comprenne bien. Il n’est pas question ici de faire de Montebourg le Saint-Just de l’industrie ou le prophète de la morale publique. L’homme est parfaitement critiquable, ne serait-ce qu’en raison de ses retournements successifs. Reste un mystère : pourquoi devrait-il être le seul responsable politique dont il serait interdit de dire qu’il n’a pas toujours tort et qu’il lui arrive même parfois d’avoir raison ? Parce qu’il pense mal ?
Etrangement, on retrouve la même allusion à la «xénophobie » sous la plume de Nicolas Demorand, directeur de Libération. Ce dernier semble avoir oublié qu’il prônait voici peu le « souverainisme numérique » face à Google. En somme, quand il s’agit de défendre les intérêts de Libé et des patrons de presse, le souverainisme est acceptable, mais quand l’intérêt de la sidérurgie est en cause, cela relève du racisme. Comprenne qui pourra.
Dans L’Express, Christine Kerdellant se joint à la curée et cible elle aussi « les propos d’Arnaud Montebourg ».
Mais c’est Le Monde qui va le plus loin. Dans un éditorial, le journal du soir fustige « les rodomontades récurrentes du ministre ». Il l’accuse d’avoir déjà « rudoyé » Christophe Viehbacher, directeur général de Sanofi, et de concourir ainsi à faire fuir « les investisseurs anglo-saxons » sans lesquels la vie n’aurait plus de sens. D’où cette conclusion digne de Fouquier-Tinville : « Il ne suffira pas que François Hollande désavoue ses propos lorsqu’il rencontrera Lakshmi Mittal à l’Elysée. Il faut faire cesser ce prétendu jeu de rôle qui décrédibilise la parole et l’action publique ». Bref, Montebourg doit monter dans la charrette des condamnés.
Sauf erreur, Le Monde, qui se veut le quotidien de « référence » (sic) n’a jamais publié pareille admonestation à propos d’un quelconque autre ministre. En l’occurrence, s’il est quelqu’un à qui il faut demander des comptes, ce n’est pas au ministre mais au PDG d’un groupe qui fait la grève de l’investissement et qui laisse comme seule perspective à des salariés la marche vers Pôle Emploi.
De bonnes âmes ont regretté la « violence » des propos de Montebourg à l’égard de Lakshmi Mittal. C’est possible. Le ministre s’en est d’ailleurs expliqué. Mais la violence faite aux ouvriers et à leurs familles, ça ne compte pas ? La violence à l’égard d’une région abandonnée aux grands vents du déclin, ça n’existe pas ? Qu’est-ce qui décrédibilise le plus « l’action publique », comme dit Le Monde ? La parole de Montebourg s’inquiétant à juste titre de l’avenir de la sidérurgie ou les leçons de capitulation administrées par une presse qui se transforme en porte parole des naufrageurs de l’industrie ?
Dans sa folie éradicatrice, Le Monde est même allé jusqu’à expliquer que la décision de la Commission de Bruxelles de ne pas renouveler les mesures anti-dumping sur les briquets fabriqués en Chine, au détriment de Bic, était « un revers » pour Montebourg. Etrange. Qu’il s’agisse d’un revers pour l’Europe, incapable de se protéger contre le dumping salarial, ou pour François Hollande qui a ratifié un traité européen qui ne change rien à l’affaire, c’est évident. Mais pourquoi faire porter le chapeau de cette décision ubuesque à un ministre qui a proposé (avec d’autres) le principe d’un protectionnisme européen considéré comme un tabou par la bulle médiatique parisienne ?
>> Lire aussi : Pourquoi les idées de Montebourg survivront...
Que l’on nous comprenne bien. Il n’est pas question ici de faire de Montebourg le Saint-Just de l’industrie ou le prophète de la morale publique. L’homme est parfaitement critiquable, ne serait-ce qu’en raison de ses retournements successifs. Reste un mystère : pourquoi devrait-il être le seul responsable politique dont il serait interdit de dire qu’il n’a pas toujours tort et qu’il lui arrive même parfois d’avoir raison ? Parce qu’il pense mal ?
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article