Grigny, le 3 avril 2014.
Chers camarades
Certain(e)s d’entre vous se doutent bien pourquoi je vous écris : je vous informe que je quitte le Parti de Gauche dés aujourd’hui.
Comme j’ai la prétention d’avoir toujours eu une conduite en accord avec mes idées, je vais vous expliquer les raisons qui motivent mon départ. Car la nécessité faisant foi de mes convictions politiques, je me dois de vous rappeler mon parcours et mes motivations. Alors pardon d’avance si je vous impose cette longue lecture qui est pourtant nécessaire à l’explication de mon départ.
Issu d’une famille socialiste, j’ai d’abord adhéré au PS en 1986, à l’âge de dix huit ans. Les plus anciens d’entre vous se souviendront que cette année fut celle de la première grande débâcle électorale du gouvernement socialiste, et qui a abouti à la première cohabitation. Comme je commençais à peine à aiguiser ma connaissance de la politique, je croyais naïvement que la pensée Jacobine éveillerait les consciences pour sortir du capitalisme, et que les événements provoqueraient un électrochoc au sein du PS.
Je fus aussitôt conquis par le discours d’un certain Jean Pierre Chevènement. Mais en 1992, alors que le PS était revenu au pouvoir, je me suis opposé à l’adoption du traité de Maastrischt, qui était à cette époque un des fondamentaux de l’Europe Libérale que nous connaissons aujourd’hui. Un an plus tard, le Mouvement des Citoyens était créé par Chevènement. Dés lors, j’ai participé au congrès constitutif de ce nouveau parti, croyant –toujours naïvement – que j’entrais dans une formation politique exempte de tout carriérisme et d’autocratie. Par ailleurs, J.P. Chevènement avait eu une position courageuse pendant la guerre du Golf…Et l’aura dont il bénéficiait à l’époque, masquait les velléités de l’ancien ministre de la défense…
Cependant la ligne politique du MDC me séduisait toujours, et l’idée de mettre en pratique les préceptes de la citoyenneté m’attira en 1995, vers une première candidature aux élections municipales dans ma ville de Grigny. Elu adjoint aux cotés du maire René Balme, j’ai participé à l’exécutif municipal, découvrant les « joies » de la contradiction entre la théorie, et la pratique sur le terrain. J’avais vingt sept ans, et je ne savais pas encore, que les dix neuf années suivantes me rapprocheraient de René Balme… Car j’ai beaucoup appris en le côtoyant. Et je ne le remercierais jamais assez, pour tout ce qu’il m’a enseigné par la pratique de politiques exigeantes, généreuses, lucides, et toujours imprégnées de l’humanisme indispensable à ceux qui se réclament des forces progressistes.
L’année 1997 arriva, après une alternance Gauche / Droite et la mort du Mitterrandisme. Ce fut l’année d’une deuxième cohabitation avec un gouvernement étiqueté Gauche Plurielle, et dirigé par Lionel Jospin qui confia le ministère de l’intérieur à Chevènement. Et là, j’ai commencé à déchanté : comment un homme de pouvoir, grand serviteur de l’Etat, fondateur du C.E.R.E.S. aux cotés de grands intellectuels tels que Didier Motchane, comment J.P. Chevènement a pu tourner sa veste en maintenant les charters d’expulsions des sans papiers ? Comment ce même homme a-t-il pu réagir aussi tardivement pour dénoncer les complicités européennes de la guerre du Kosovo ? Pourquoi l’auteur de la célèbre phrase « un ministre ça ferme sa gueule ou ça démissionne » a-t-il pu laisser l’Etat socialiste s’enfermer dans une logique de plus en plus libérale ?
Et là mes chers camarades, j’en arrive bientôt au faits : j’étais un militant godillot…critique en moi même, mais godillot au grand jour. Et toujours naïvement, j’ai fait la campagne des présidentielles de 2002 en soutenant Chevènement. Ce n’est que peu de temps après, que j’ai découvert que l’entourage de l’ancien ministre de l’intérieur, était composé de personnages peu fréquentables tels que Paul Marie Couteau ou Florence Kuntz, proches de Charles Pasqua ou aujourd’hui, carrément encartés au F.N… J’ai aussitôt déchiré ma carte du MDC pour rester politiquement orphelin pendant une dizaine d’années. J’avais cependant entendu parler d’un jeune sénateur dénommé Jean Luc Mélenchon. Quand on quitte une famille politique, on en reste pas moins aux aguets pour observer l’évolution de tel ou tel courant. Cela permet d’évaluer le champ des possibilités qui s’annoncent dans la recomposition incessante du paysage politique…Malgré le bi-partisme ! Quel paradoxe !
Elu de nouveau à deux reprises adjoint au maire de Grigny, en 2001 et 2008, je me suis replié sur l’activité municipale jusqu’à la naissance d’une association locale qui allait devenir en 2005 un Front de Gauche avant l’heure : Le Citoyen. Crée à l’initiative de René Balme qui avait quitté le Parti Communiste quelques années auparavant, nous avons lancé avec quelques camarades cet élément déclencheur qu’était Le Citoyen. Car ce n’était pas qu’une association, mais c’était, et c’est toujours, un journal reconnu comme un organe de presse à part entière. Critique, caustique mais relatant toujours des éléments factuels de l’actualité locale jusqu’à l’information internationale, ce « canard » m’a permis d’aiguiser ma plume et ma curiosité. Donc, mon sens critique.
Le Parti de Gauche est né entre-temps, et avec lui, l’espace politique qu’est le Front de Gauche. René Balme a rejoint le PG très peu de temps après sa création, car il voyait alors, un nouvel espoir de révolution citoyenne. Je ne vous cacherai pas que je fus tenté de rejoindre aussitôt cette formation. Mais ne dit-on pas « Chat échaudé craint l’eau froide » ? Je n’avais toujours pas digéré le fonctionnement autocratique du PS et du MDC, aussi, la méfiance acquise au fil des années m’a conduit à rester en observation, tout en admettant que la stratégie du Front de Gauche pourrait s’avérer être salutaire pour nos concitoyens. « wait and see »…
Finalement convaincu que le PG pouvait ouvrir des perspectives innovantes au bénéfice du Front de Gauche, J’ai rejoint le Parti de Gauche en janvier 2012. Les débuts de cette expérience furent pour moi exaltants à l’aube de la campagne des présidentielles. Je n’oublierai jamais la marche de la révolution citoyenne vers la Bastille. J’ai rapidement intégré la coordination départementale du PG où je représentais la XIème circonscription du Rhône. J’ai rencontré des militants formidables, animés par une énergie incroyable, et dotés d’une analyse politique souvent très pertinente. La mise en application des radicalités concrètes sur le territoire de Grigny, était considérée comme un cas d’école au sein du Parti. J’étais heureux de pouvoir enfin concilier à nouveau le militantisme politique avec la pratique d’un mandat d’élu local.
Vous n’avez pas oublié mes camarades, le score du Front de Gauche aux élections présidentielles… 11%, c’est à la fois très peu et c’est en même temps encourageant, car nous avions ouvert une brèche avec l’aide de quatre millions d’électeurs ! Les élections législatives qui allaient suivre nous ont démontré que le bi-partisme a toujours une longueur d’avance sur les forces progressistes. Le nouvel Etat PS n’a eu aucun mal à écraser le FDG dés le premier tour…
Pourtant, des perspectives de réussite se profilaient pour la XIème circonscription du Rhône. Par son courage, et son charisme, René Balme est apparu comme le candidat naturel du P.G. Le PS a rapidement parachuté une candidate afin de barrer la route au Front de Gauche…
Et afin de discréditer définitivement le maire de Grigny, « l’affaire Rue 89 » a fait son œuvre… Ce torchon a salit l’honneur de René Balme en l’accusant d’antisémitisme, alors qu’il s’est toujours battu contre le racisme quelqu’en soit la forme, et il a toujours condamné l’antisémitisme.
Je ne reviendrai pas sur tous les « détails » de cette campagne odieuse, mais permettez moi, chers camarades, d’éclaircir les faits, le temps de quelques lignes sur cet épisode qui reste kafkaïen à mes yeux :
Comment le PG a-t-il pu abandonner un militant élu maire d’une commune reconnue pour sa gestion exemplaire parce que progressiste ? Comment des camarades ont-ils pu laisser un journal salir l’un des leurs, en ne réagissant pas à la lecture d’un article intitulé « Un rouge brun au P.G. » ? Je vous rappelle que le PC a eu le bon reflexe de condamner ces écrits dés le lendemain de leur parution, et ce, par la voix de Pierre Laurent, secrétaire national du Parti Communiste. Où était J.L. Mélenchon ? Lui qui citait en exemple à la télévision, la gestion exemplaire du maire de Grigny…
J.L. Mélenchon était en campagne, à Hénin Beaumont…Alors que M.G. Buffet lui offrait sa circonscription gagnée d’avance et acquise au Front de Gauche pour que le co-président du PG ait une tribune à l’assemblée nationale…
Où était Martine Billard, co-présidente du PG ? La camarade Billard décortiquait les commentaires de Soral et les liens sur les propos de Faurisson, publiés six ans plus tôt sur un site internet dont l’animateur avait omis de modérer les propos, toujours six ans plus tôt… Et cet animateur était un certain René Balme. Car ce site (Oulala.net) revendiquait (et revendique toujours) la liberté d’expression pour éveiller l’esprit critique que chaque citoyen-internaute, est en droit de satisfaire en se confrontant à différents point de vues analytiques.
Voila sur quoi reposait le mensonge et la diffamation distillée par Rue89, qui je vous le rappelle, est une annexe du Nouvel Observateur, proche du parti socialiste…Le PS, notre adversaire, (et non pas partenaire comme l’affirmaient certains il n’y a pas si longtemps que cela) avait décidé d’abattre René Balme.
« L’affaire Rue 89 » a été le tir de sommation…Et vous n’avez rien fait…
Là, j’ai commencé à déchanter à nouveau. J’ai eu l’impression de revivre mon passage au PS comme au MDC, en découvrant à nouveau que certains s’arrogent le droit de co-opter un tel ou une telle afin de négliger un camarade qui s’est senti bien seul…
J’ai vu un homme blessé dans son honneur. Et je vous en veux toujours.
René Balme a démissionné du PG en Juillet 2012. Je tiens à vous préciser qu’il n’a jamais cherché à m’influencer pour le suivre dans son départ. J’ai donc continué à militer à vos cotés, pensant que les blessures s’atténueraient avec le temps.
Les mois ont passés, rythmés par le calendrier du parti jusqu’au dernier congrès, pendant lequel des orientations ont été adoptées. La stratégie arrêtée pendant ce congrès m’est alors apparue comme une démarche suicidaire : comment un jeune parti politique peut-il privilégier une élection européenne au détriment des élections municipales ? Quelle absurdité que négliger les communes, cellules de base de la République ! Comment un parti qui revendique la démocratie participative par l’implication du peuple, peut-il faire une telle erreur ? J’ai découvert par la suite que les pratiques du congrès étaient semblables à celles des partis dits « classiques » : une dose de parisianisme, une poignée de co-optants, de belles envolées lyriques de quelques tribuns, et le tour est joué…
J’ai compris que certains cadres du PG avaient tout intérêt à lâcher quelques os municipaux aux rongeurs provinciaux, pour préparer leurs propres places aux élections Européennes. C’était aussi pour eux, l’occasion d’isoler le PC, au détriment du FDG, toujours pour l’obtention des meilleures places…
Ah ! Quand Sainte Gamelle fait son œuvre, les mouches ont vite fait de changer d’âne !
Là encore, j’ai retrouvé l’ambiance des années 90, les années socialistes en quelque sorte…
Puis est venue l’AG du PG du Rhône, en Octobre 2013, et en présence de Martine Billard. Comme nous étions à quelques mois des élections municipales, la consigne de ne pas approcher le pestiféré René Balme commençait à circuler à travers certains mails…qui arrivèrent jusqu’à moi. J’ai alors décidé avec quelques camarades, de profiter de cette AG pour confronter mon point de vue à celui de la co-présidente.
J’ai fait alors deux constats : le premier a été de remarquer à quel point je me trouvais bien seul, car personne n’a osé appuyer mes propos et me rejoindre pour défendre publiquement René Balme. Pourtant, je pensais que les camarades du PG69 seraient solidaires comme ils le sont d’habitude en aparté…Walou ! Personne…Silence dans les rangs, car la chef est là parmi nous… Pas une tête qui dépasse !
Le deuxième constat a fini par me convaincre que décidément, je ne suis pas apte à faire de vieux os au PG : madame la co-présidente m’a confirmé que le fonctionnement pyramidal du PG était tout à fait légitime. Le débat s’est ensuite orienté sur un versant plus politique, et là, j’ai eu la dernière preuve qu’une autocratie irréfutable est installée à la tête du PG : Madame la co-présidente a décidé que la Théorie du Complot n’était que des balivernes, alors le parti doit penser comme elle !
Ben voyons ! Et là encore… À part moi, personne n’a moufté !
Mes chers Camarades, vos silences successifs m’ont permis de découvrir ce jour là, que je ne suis plus godillot…
Je dois préciser que j’avais décidé depuis Juin 2013, que je ne serais pas candidat aux élections municipales de Grigny. Sachez qu’il n’y avait aucun désaccord avec René Balme, bien au contraire. Mais ma situation personnelle risquait de limiter mon champ d’action. Par ailleurs, un juste phénomène d’usure et de lassitude m’incitait alors à prendre un peu de recul. Je vous l’avoue franchement : ce sont vos silences qui m’ont fait changer d’avis ! J’ai été alors candidat autoproclamé PG avec d’autres camarades du parti : Pia Boizet, Laurence Briane et Ryad Hitouche.
Tous derrière René Balme ! Quel baroud d’honneur !
Et vos silences ont perduré pendant la campagne… À l’exception d’une camarade Lyonnaise fidèle depuis longtemps à Grigny et à son maire.
Nous avons perdu la ville de Grigny, mais cette fois ci, le PG n’y est pour rien.
Et je vais découvrir les « joies » d’être un élu d’opposition.
Alors voila, je quitte le PG pour toutes les raisons que je viens d’évoquer. J’aurai plaisir à vous retrouver dans des manifs à venir. Et j’écouterai vos silences impuissants. Pendant ce temps là, des hommes et des femmes perdront leur emploi. Des mères célibataires n’auront plus rien pour vivre au quinze de chaque mois, des familles seront expulsées de leur logement, des syndicalistes seront victimes de la délinquance patronale.
Vous serez toujours à leurs cotés, je n’en doute pas un instant. Mais cela ne fera qu’atténuer légèrement les maux de notre société du chacun pour soi. Parce que vous resterez silencieux face à l’oligarchie du Parti de Gauche au comportement sectaire. Ses dirigeants ne veulent surtout pas une révolution citoyenne. Et de ce fait, Ils se rendent indirectement complices du libéralisme et de la sociale démocratie.
Je vous demanderai de retirer mon nom du site du PG 69. Je ne suis plus référent de la XIème circonscription.
Parce que je m’appelle Christian Goubert. Je ne m’appelle pas Silence.
Salutations militantes.
Christian Goubert
Conseiller municipal de Grigny
Ancien adjoint chargé de la culture.
http://www.grigny-2014.org/2014/04/christian-goubert-quitte-le-parti-de-gauche/