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Le blog de Lucien PONS

Portugal : grande braderie sur les œillets d’Avril. Par Pedro da Nobrega.

28 Avril 2014 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #L'Espagne.

EUROPE / Portugal : grande braderie sur les œillets d’Avril

 

 

 

 

Date de publication sur Tlaxcala : 18/04/2014
Traductions disponibles : Português  Español  Deutsch  English  Italiano 
 
Portugal : grande braderie sur les œillets d’Avril
Pedro da Nóbrega

 

À l’approche du 40ème anniversaire de la Révolution des Œillets qui mit fin à 48 ans de dictature fasciste au Portugal le 25 avril 1974, chacun peut mesurer la diversité des sens que prend le terme commémoration, illustrant à quel point de telles cérémonies ne sont jamais neutres du point de vue politique dans la mesure où le regard porté sur le passé est toujours porteur d’enjeux d’actualité : de la célébration œcuménique d’un roman hagiographique expurgé de toute portée subversive à l’interpellation du présent à la lumière des valeurs exprimées par l’événement, le fossé est vaste ainsi qu’en avait témoigné par exemple le bicentenaire de la Révolution Française dont la portée révolutionnaire de la rupture historique alors engagée avait été gommée pour n’en retenir que la lecture la plus consensuelle. 

Il est clair que dans l’actuel contexte au Portugal qui voit, sous l’impulsion d’un gouvernement de droite aux ordres de la Troïka, les niveaux de souffrance sociale se rapprocher de ce qu’ils pouvaient être à l’époque de la dictature avec une reprise massive de l’émigration par exemple, cet anniversaire ne saurait être dénué d’actualité.
 
En attestent notamment les rejets successifs par le Tribunal Constitutionnel de mesures d’austérité prises par le gouvernement actuel PSD/CDS parce qu’elles violaient la Constitution précisément issue de la Révolution des Œillets. Une institution scandaleusement accusée par une délégation de la Commission Européenne au Portugal de se livrer à de «l’activisme politique » et d’être un problème pour le pays pendant que la Troïka intimait à chaque fois au gouvernement de trouver des moyens pour violer la Constitution afin de perpétuer l’austérité. Les mêmes qui s’érigent en donneurs de leçons de démocratie et de droit à propos de l’Ukraine, cherchez l’erreur.
 
Il est utile de rappeler à cet égard les commémorations du 30ème anniversaire en 2004 que le gouvernement de l’époque avait voulu placer sous le thème « le 25 avril est une évolution » afin disait-il de l’affranchir de « charge idéologique » selon les propres termes du Premier ministre de l’époque, déjà du PSD, premier parti de droite. Ce tour de passe-passe politicien avait soulevé un tollé au Portugal où des milliers de mains anonymes avaient méthodiquement ajouté des R majuscules sur toutes les affiches officielles pour en rappeler l’irréductible caractère révolutionnaire. Ce Premier-Ministre de droite dont le parti allait subir un désastre électoral l’année suivante s’appelait José Manuel Durão Barroso, actuel Président de la Commission Européenne.
 
Voilà qui montre que la droite portugaise n’a toujours pas digéré la dimension révolutionnaire de cet événement et n’est jamais à court d’idées pour essayer d’en stériliser la portée. La dernière trouvaille est venue cette année de la Présidente de l’Assemblée de la République (parlement), Assunção Esteves, qui a émis l’idée de faire appel à du mécénat privé afin de financer les célébrations du 25 avril. Une idée ô combien « audacieuse » qui ouvrirait la possibilité de voir les groupes des grands noms du capitalisme portugais, comme Champalimaud, de Mello, Espírito Santo, qui ont prospéré pendant la période du fascisme notamment aux colonies, parrainer la commémoration de la Révolution qui a conduit à l’indépendance de ces colonies et à la nationalisation de ces groupes ! Un peu comme si l’on sollicitait le mécénat des héritiers des patrons collabos pour financer les célébrations de la Libération.
Cette suggestion pour le moins déplacée, pour ne pas dire inepte, ayant reçu un accueil plus que sceptique, et même caustique, la droite portugaise ne renonce pas pour autant à dénaturer l’événement. Les deux partis de droite se sont ainsi opposés à ce que des militaires, faisant partie de ceux qui ont participé au mouvement ayant mis fin à la dictature appelés au Portugal « militaires d’Avril », puissent prendre la parole lors des commémorations officielles à l’Assemblée Nationale. Il est de tradition depuis bien longtemps que des représentants de ces militaires participent aux cérémonies officielles mais ils s’y sont refusés depuis deux ans en signe de réprobation contre un pouvoir qui a « cessé d’être le reflet du régime démocratique issu du 25 avril » selon leurs propres déclarations.
 
       
 
Les partis de droite ont essayé de justifier ce veto en prétextant que le règlement intérieur de l’Assemblée ne permettrait pas que des personnalités extérieures y prennent la parole, hors les « députés, membres du gouvernement et le Président de la République ». Un argument fallacieux balayé par une des figures emblématiques du « Mouvement des Capitaines » Vasco Lourenço, qui rappelle qu’à de nombreuses reprises des personnalités extérieures ont pu s’exprimer dans l’enceinte du Parlement. Si les choses devaient en rester là, il doute fort que les militaires participent aux commémorations officielles.
Mais il est à parier que le peuple sera présent en masse dans les grandes manifestations qui célèbrent la Révolution en scandant « 25 de Abril sempre, Fascismo nunca mais ! » (25 Avril toujours, fascisme plus jamais !). Avec dans la foule, de nombreux militaires et policiers comme l’an passé.

 





Merci à Tlaxcala
Date de parution de l'article original: 18/04/2014
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