Et pour cause. Alors que le ministre du redressement productif aurait intéressé deux concurrents d’Arcelor Mittal – le russe Severstal et le Français Ascometal – à la reprise de l’ensemble du site de Florange, le géant de l’acier a osé mettre en balance ses 20 000 emplois dans l’Hexagone pour décourager le gouvernement de s’assurer un contrôle public, fût-ce temporaire, de ces installations. Allant jusqu’à arguer dans un communiqué que « la vente des activités aval de Florange mettrait en péril la viabilité du reste des activités d'Arcelor Mittal en France. » Un incroyable bluff et un chantage à l’emploi dont à court terme, Lakshmi Mittal n’a pas vraiment les moyens…
En effet, dans le Sud de la France, son site de Fos sur Mer d’une capacité de 5,5 millions de tonnes d’acier n’a en réalité aucune relation avec les laminoirs de Gandrange. Ses coils de tôle sont acheminés pour finition dans une autre filiale du groupe située à Saint-Chely sur Dapcher dans le département de la Loire. Plus intéressant encore, ces installations seraient bien en mal de réduire davantage leurs effectifs tant elles manquent déjà cruellement de bras. En effet, en prévision notamment des reclassements qu’il devra effectuer si les hauts fourneaux de Florange ferment définitivement, ArcelorMittal a gelé ses embauches depuis 14 mois en Europe.
Résultat ? A Fos sur Mer, 250 postes ne sont pas pourvus et pour pallier d’importants départs en retraites, le groupe a déjà du embaucher 250 intérimaires. Or il faut plus d’une année pour former un sidérurgiste sur une nouvelle installation. « Pour autant ce manque flagrant de personnels n’empêche pas ArcelorMittal de tenter de peser sur nos salaires en nous donnant en exemple nos collègues espagnols d’Aviles qui victimes de la crise qui ravage leur pays, viennent d’accepter de baisser leurs rémunérations pendant trois ans. » dénonce Sébastien Thomas, délégué CGT de Fos. Une mise sous pression en cascade d’autant plus ingrate que dans la sidérurgie, les couts salariaux ne représentent pas plus de 10% des couts de production !
S’il cherche à court terme à se venger de l’interventionnisme d’Arnaud Montebourg, Lakshmi Mittal aura également le plus grand mal à réduire la voilure sur son site de Dunkerque. D’abord parce qu’il a fortement investi, en 2009, dans ces hauts fourneaux et laminoirs de bord de mer particulièrement performants d’une capacité de 7 millions de tonnes. Ensuite parce que si Dunkerque alimente effectivement en brames le site de lorrain de Florange (et serait logiquement impacté par une revente de ces laminoirs à un concurrent d’ArcelorMittal), c’est loin d’être son seul débouché !
« Non seulement nous avons de nombreux clients en Europe du Nord, zone relativement épargnée par la crise, corrige Philippe Collet, secrétaire du syndicat CGT d’ArcelorMittal Dunkerque. Mais encore lorsque nous en perdons au profit de Thyssen ou Riva, notre direction se refuse à nous dire pourquoi. » Enfin, comme Fos sur Mer, ce site nordiste est également notoirement sous staffé de 200 à 300 salariés. Et peine à attirer avec des salaires d’embauche de 1200 à 14000 euros bruts, des bac Pro ou des BTS également échaudés par la réputation inexorable de son PDG.
Lorsqu’il recevra Lakshmi Mittal à l’Elysée, le Président François Hollande aura donc de bons arguments à faire valoir pour tenter de sauver les derniers hauts fourneaux lorrains qui ont permis autrefois d’ériger la Tour Eiffel. Le résultat de cette entrevue donnera également la mesure de sa détermination à enrayer le déclin industriel dans l’Hexagone.….
(1) Ces laminoirs fournissent notamment des clients prestigieux de l’industrie automobile allemande comme Audi et BMW
Sur le site de Marianne.
http://www.marianne.net/Le-grand-bluff-de-Lakshmi-Mittal_a224726.html