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Le blog de Lucien PONS

Irak : progression de terroristes ou soulèvement populaire ? Marc Vandepitte.

20 Juillet 2014 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Israël - palestine - Moyen-Orient, #La Syrie - La Libye - l'Iran -, #La mondialisation

Irak : progression de terroristes ou soulèvement populaire ?
Marc Vandepitte

19 juillet 2014

Article en PDF :

Selon les médias occidentaux, l'Irak est menacé de conquête par l'EIIL [État islamique en Irak et au Levant – en anglais : ISIS], un mouvement djihadiste déchaîné. Mais cette version correspond-elle aux faits sur le terrain ?

Irak : progression de terroristes ou soulèvement populaire ?  Marc Vandepitte.

Surgi du néant, une organisation terroriste conquiert la deuxième grande ville d'Irak. D'autres villes également sont occupées, et à présent ce mouvement djihadiste particulièrement cruel se rue vers la capitale Bagdad. On dirait un scénario hollywoodien, un scénario qui s'insère parfaitement dans le « war on terror » et l'islamophobie croissante. Il n'y a pratiquement pas un seul média grand public qui échappe à cette version.

Malheureusement, cette version ne résiste pas à l'épreuve de la réalité. Ce qui est en jeu dépasse largement l'avancée soudaine de djihadistes sauvages. Comme d'habitude, la réalité résiste aux scénarios infantiles de type hollywoodien.

La réalité suscite directement un certain nombre de questions.

Tout d'abord l'organisation terroriste EIIL ne dispose pas du personnel nécessaire pour conquérir et occuper Mossoul, ville de près de 2 millions d'habitants, sans parler des différents territoires de l'agglomération. C'est ce que dit notamment Charles Lister du Brookings Institute.

Une opération tellement bien coordonnée suppose aussi une parfaite connaissance du terrain (urbain) ainsi que des capacités logistiques avancées, choses qui font défaut à un mouvement terroriste tel que l'EIIL.

Aujourd'hui des hélicoptères survolent la ville. Cela ne peut se faire que par des pilotes expérimentés, dont l'EIIL ne dispose pas. Une version bien plus acceptable est celle de The Telegraph, qui pointe du doigt les combattants sunnites de la résistance qui ont lutté contre l'invasion des Etats-Unis.

La ville a été envahie d'une manière particulièrement disciplinée et sans effusion de sang. C'est plutôt curieux pour une organisation de terroristes déchaînés. Plus encore, la population locale a accueilli les rebelles et a même distribué du chocolat aux envahisseurs.

Maliki, Premier Ministre d'Irak, a voulu promulguer l'état de siège dans le pays, mais il n'a même pas obtenu une majorité au Parlement. Rafi al-Rifai, le principal dirigeant sunnite du pays, a dit que les rebelles ne devaient pas pas être décrits comme des terroristes mais qu'ils sont en train de libérer l'Irak du gouvernement de Nouri al-Maliki.

Un coin du voile

Il est encore bien trop tôt pour connaître les tenants et aboutissants du dossier. Mais une chose est claire : le scénario hollywoodien ne tient pas la route.

Voici pour suivre quelques pièces du puzzle :

Fin 2013, l'armée irakienne perdait déjà le contrôle de la ville de Falloujah. C'est justement la ville où l'ancienne armée de Sadam Hussein avait le plus résisté à l'invasion. Depuis, un « Conseil général militaire des Révolutionnaires irakiens » s'est créé. Il est composé de chefs de tribus locales, d'anciens dirigeants de la résistance (opposés à l'invasion états-unienne) et il est dirigé par des officiers supérieurs de l'ancienne armée de Sadam Hussein.

« Aujourd'hui nous nous trouvons au milieu d'un soulèvement armé avec un commandement central » dit Sheik Mohammad Bashar Faidhi. Il prononçait ces paroles en mars 2014. Autrement dit, ceux qui connaissent le terrain savaient déjà ce qui allait se produire.

Selon le correspondant du Financial Times, quelques centaines de combattants de l'EIIL ont participé à la conquête de Mossoul, mais aux côtés d'un nombre bien plus important d'hommes masqués, très probablement des combattants de la résistance sunnite locale. « Beaucoup de gens étaient trop heureux de prendre les armes. C'était le début d'une révolution sunnite » dit un marchand local.

Rafie al-Rifai, grand mufti d'Irak, est du même avis. Selon lui, ce qui vient de se passer est « une révolution des tribus sunnites ». Entre-temps les rebelles ont nommé un nouveau gouverneur pour Mossoul. Il s'agit de Hashem al-Jamani, qui n'est pas un djihadiste mais un officier de l'ancien régime de Sadam.

Sans l'approbation de la population locale et des chefs tribaux, et sans le soutien militaire de la résistance sunnite, la progression rapide aurait été impensable. La population était excédée par la gestion du Premier Ministre Maliki et entre-temps des groupes armés, surtout issus de l'ancienne armée de Sadam Hussein, organisaient depuis plus de 10 ans la résistance, d'abord contre les Etats-Unis, ensuite contre l'armée irakienne.

Selon le Financial Times, ces groupes ont conclu une alliance avec l'EIIL. Les derniers événements n'en sont que la conséquence. Pour le moment il est difficile de prévoir sur quoi tout cela va déboucher, mais ce pourrait bien être le début d'une partition définitive de l'Irak en trois morceaux : un territoire kurde das le nord, une zone sunnite au centre et un territoire chiite dans le sud. Une telle partition sera sans doute lourd de conséquences pour l'ensemble de la région.

Traduction du néerlandais : AMM pour Investig'Action

http://www.michelcollon.info/Irak-progression-de-terroristes-ou.html

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