Le PTB, Staline, le négationisme et Dieudonné. Le blog de Jean Lévy.
Samedi 11 janvier 2014 6 11 /01 /Jan /2014 08:17
L'article ci-dessous du PTB mérite plusieurs remarques.
Dans le contexte belge, le PTB représente une véritable force populaire en croissance, un vrai parti communiste prolétarien des temps actuels, et qui plus est le dernier des partis à défendre l'intégrité du pays contre le séparatisme flamand d'extrême droite. Il me semble donc tout à fait inapproprié de le jeter dans les poubelles de l'histoire parce qu'il prend la position erronée qui consiste à défendre la liberté d'expression de Guignol.
Voir la position de Danielle Bleitrach dans cet article : lire ici .
Je pense que le PTB adopte cette position parce qu'il a malheureusement et malgré ses qualités fondamentales qui en font un modèle pour nous une tendance à la démagogie islamophile, comme celle du NPA en France, en croyant s'ouvrir une avenue en direction du prolétariat d'orrigine immigrée musulman ou s'identifiant à se cause.
Et ils se font beaucoup d'illusions s'ils pensent vraiment que la "quenelle" exprime une quelconque forme de révolte sociale. Certes des jeunes prolétaires s'expriment ainsi, mais ils n'expriment que les tendances fascistes qui ont toujours existé dans le prolétariat aussi (et sans lesquelles le fascisme serait parfaitement inoffensif!).
Mais le PTB défend sans doute la liberté d'expression de fascistes qui n'en ont guère besoin, pour une autre raison. Il a comme le remarque Danielle Bleitrach pour le dénoncer semble-t-il, une origine stalinienne assumée : fondé par Ludo Martens , auteur à contre courant de Un Autre Regard sur Staline (1995), ce parti est l'un de premiers à avoir compris que la mémoire globale du socialisme réel était un enjeu politique de première importance, si le mouvement communiste veut avoir un avenir.
En ce sens, je pense qu'ils défendent la position de Bricmont contre la censure des négationnistes des crimes nazis pour empêcher la création d'un précédent jurique qui pourrait à l'avenir incriminer ceux qui veulent rétablir la vérité sur le socialisme, trainé dans la boue et calomnié par des cohortes d'historiens vénaux qui ont tribune libre ouverte en permanence dans les médias du monde occidental depuis les années Reagan.
Car les mêmes lois qui peuvent empêcher la formulation d'hypothèses mensongères fascistes peuvent servir à empêcher la recherche indépendante sur l'histoire de l'URSS, au nom de la répression du "totalitarisme". Fondamentalement, les lois antinégationnistes ont deux objectifs : faire la publicité de théories antisémites infondées et discréditées, qui sans cela n'auraient aucun écho, et intimider les chercheurs qui veulent contester un tant soit peu la vulgate anticommuniste et ascientifique du "Livre noir", qui émane en dernière analyse des fondations universitaires américianes dotées pour le combat de la guerre froide.
Le gouvernement français appelle les préfets et les maires de France à empêcher la tenue des spectacles de l’humoriste Dieudonné, alors que celui-ci doit commencer sa tournée ce jeudi 9 janvier à Nantes. S’opposer le plus fermement possible à la censure de ses spectacles est nécessaire. Cependant, une critique sans concessions des idées qu’il défend est tout aussi indispensable.
Depuis plus de 10 ans, un des humoristes les plus populaires de France, Dieudonné M’Bala M’Bala, fait l’objet d’attaques répétées. En cause ? Les prises de positions et les provocations répétées de l’humoriste qui ont pris un contenu de plus en plus politique et controversé. Ces trois dernières semaines, la répression qu’il subit a pris un caractère extrêmement grave du point de vue démocratique.
Le président de la République française, le socialiste François Hollande, et son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, sont prêts à tout pour interdire ses spectacles. Y compris bafouer leurs propres lois. Un avocat renommé et ardent partisan de la politique israélienne, Me Klarsfeld, appelle à créer des troubles à l’ordre public pour justifier leur interdiction. On menace d’utiliser des alertes à la bombe. Des patrons de grands groupes de presse appellent explicitement à « censurer internet » et faire pression sur les directeurs de salle pour qu’ils décident de ne plus mettre l’humoriste à l’affiche. Il existe aujourd’hui un consensus politique en France parmi les partis politiques traditionnels pour lutter contre Dieudonné au travers de la censure, des peines judiciaires ou d’interdictions administratives.
Ces attaques et appels à la censure sont à combattre avec la plus grande fermeté pour deux raisons essentielles.
Ces attaques et appels à la censure sont à combattre avec la plus grande fermeté.
Tout d’abord, il ne fait aucun doute que de telles mesures constitueront un dangereux précédent pour justifier la censure de toute idée considérée comme dérangeante par l’establishment. Le capitalisme (où une petite minorité continue à s’enrichir pendant que la majorité est en train de se serrer la ceinture) ne peut donner lieu qu’à des critiques et des réactions de plus en plus virulentes. Est-ce que ces critiques seront elles aussi interdites, réprimées ou censurées ?
Ensuite, l’affaire Dieudonné n’est plus l’affaire d’une personne. « La quenelle », geste inventé par Dieudonné, est reprise par des milliers de jeunes pour exprimer un espèce de « fuck » moderne, un geste « anti » pour faire part d’un ras-le-bol général.
Aujourd’hui, par des attaques disproportionnées contre Dieudonné et contre la quenelle, ces jeunes sont traités comme des parias mais aussi comme des « antisémites ». Un député français annonce le dépôt d’une proposition de loi en vue d’interdire ce geste.
Des groupes ultra radicaux n’ont aucun problème en France à s’attaquer physiquement à ceux qui ont fait le signe de la quenelle. Sans susciter beaucoup d’indignation.
Considérer tous ceux qui font une quenelle comme des gens dangereux ou des antisémites, c’est ne rien comprendre à la diversité d’expression que ce geste symbolise pour ces auteurs. Il y a de toute évidence une série de personnes qui y ont mis un contenu antisémite et raciste (des photos circulant sur internet sont explicites) mais généraliser et stigmatiser l’ensemble des auteurs de quenelles, c’est ne rien comprendre à ce que cela exprime vraiment : un dégout extrêmement divers vis-à-vis d’un système ou d’une élite politique, médiatique et économique qui veut imposer sa pensée unique.
« C’est même très contreproductif, rajoute Michel Staszewski de l’UPJB (Union Progressiste des Juifs de Belgique). Que celles et ceux qui veulent réellement combattre l’antisémitisme, se concentrent sur ses véritables manifestations sans voir de l’antisémitisme partout. »
L’acharnement contre Dieudonné et la stigmatisation de cette jeunesse qui fait la quenelle a un message précis : « vous n’avez pas le droit de penser différemment. »
En réalité, l’acharnement contre Dieudonné et la stigmatisation de cette jeunesse qui fait la quenelle a un message précis : « vous n’avez pas le droit de penser différemment. » Et ceux qui dévient seront considérés comme des parias, des gens à faire taire, même violemment.
La quenelle est donc l’expression d’une rupture de la jeunesse avec la pensée unique.
Il y a un sens positif à cela. Le système du tout au profit qu’est le capitalisme, les profondes inégalités sociales qu’il crée, le racisme et les discriminations quotidiennes qu’il génère mérite bien un geste de rejet. Mais est-ce le sens que ses deux propagateurs actuels, Dieudonné et Alain Soral (cet ancien cadre du FN français), veulent réellement lui donner ? Certainement pas. L’évolution politique de Dieudonné le démontre.
Dieudonné n’est plus un simple humoriste attaqué par le système, qui cible les événements de l’actualité, qui mène un combat pour le droit de rire de tout, y compris des juifs.
Dieudonné n’est plus un simple humoriste attaqué par le système, qui cible les événements de l’actualité, qui mène un combat pour le droit de rire de tout, y compris des juifs. Le point de départ des attaques fut un sketch réalisé en direct sur France 3, où
Dieudonné s’était déguisé en colon extrémiste israélien et avait mimé un salut hitlérien. Une hystérie totalement injustifiée s’en est suivie : interdiction de télé, de promotions, annulations de spectacles, menaces de mort, procès. Il s’est défendu à l’époque comme il pouvait, en refusant à raison de présenter ses excuses.
Force est de constater que trop peu de personnalités ont eu le courage de prendre sa défense alors qu’il le méritait sans aucun doute. L’affaire Dieudonné a mis en évidence l’existence d’un lobby qui défend de manière acharnée les intérêts de l’État d’Israël et l’extrême complaisance des autorités françaises à son égard. Pour beaucoup, il est alors devenu le symbole du combat pour la liberté d’expression, un héros anti-système qui montre l’hypocrisie du pouvoir et le deux poids-deux mesures des autorités françaises.
On pourrait trouver cela positif. Mais les choses ont largement dérapé depuis. De provocation en provocation, le Dieudonné d’aujourd’hui fait objectivement de la politique et, hélas, dans une perspective très précise : semer la confusion parmi la jeunesse qui ne croit plus au système, légitimer l’extrême-droite et communautariser les contradictions de la société en propageant l’idée complètement fausse qu’un complot judéo-maçonnique domine le monde.
Dieudonné se profile comme un rebelle anti-système. Mais quel système ? Il n’a aucune critique du capitalisme. Et être rebelle pour Dieudonné revient à provoquer, faire des quenelles et faire du politiquement incorrect.
Dieudonné partage en fait avec Alain Soral, cet ancien cadre du Front National avec lequel il est en alliance de fait, la même doctrine de résistance : « Le politiquement incorrect n’est en rien un inutile jeu de provocations. C’est même la doctrine de résistance au mondialisme. […] nous pouvons, nous nationaux, en tant que seuls critiques efficients, devenir les maîtres à penser de demain et incarner, nous et nous seuls, le renouveau du Génie français ! ».
En pratique, cette doctrine du politiquement incorrect amène Dieudonné à légitimer l’extrême-droite et ne légitimer que celle-ci.
En pratique, cette doctrine du politiquement incorrect amène Dieudonné à légitimer l’extrême-droite et ne légitimer que celle-ci. En s’affichant auprès du négationniste Robert Faurisson, en faisant de Jean-Marie Le Pen le parrain de sa fille, en serrant la main de Serge Ayoub, dirigeant d’une milice d’extrême-droite responsable du décès d’un militant anti-fasciste…
Dieudonné réussit l’exploit de légitimer les fascistes aux yeux de beaucoup de jeunes de milieu populaire, y compris les enfants issus de l’immigration, qui n’auraient jamais pu se rapprocher de l’extrême-droite autrement.
Le confusionnisme de Dieudonné l’amène à soutenir en Belgique le parlementaire ex-PP, ex-MLD, ex-Islam, Laurent Louis. Dans une réunion publique, devant des centaines de jeunes surchauffés, Dieudonné affirme : « Je te soutiens. Je suis 100 % derrière toi. Tu vas être élu. »
Dans sa dernière vidéo 2014, année de la quenelle, il en fait encore la promotion. Laurent Louis en profite bien, lui qui a décidé d’adopter le même style (la provocation et la victimisation comme action politique), et qui est passé d’un discours ouvertement raciste et d’extrême-droite « classique » quand il était au PP à un discours plus Soralien sur le « complot des élites perverses soumises au lobby juif ».
Dieudonné s’est toujours défendu d’être antisémite et beaucoup de ses sketchs ont été accusés à tort d’antisémitisme, car ils n’exprimaient en réalité qu’une critique du sionisme et de la politique d’Israël. Mais ce n’est clairement plus le cas aujourd’hui.
Dans ses vœux de 2014, il affirme : « je ne suis pas antisémite. Aujourd’hui, je ne le suis pas. Mais je ne dis pas que je ne pourrais pas le devenir un jour. »
Quand Dieudonné prend des positions politiques, elles ne concernent plus que la communauté juive.
Quand Dieudonné prend des positions politiques, elles ne concernent plus que la communauté juive. L’humoriste minimise le génocide juif et se mêle à des personnalités qui estiment que le génocide est exagéré ou n’a pas eu lieu (comme le négationniste Robert Faurisson).
En 2009, il crée sa liste « Anti-sioniste » avec des personnalités comme Alain Soral, qui venait juste de quitter le FN. Depuis, ils sont deux compagnons de route, unis sur une seule obsession : faire du sionisme la cause fondamentale de toutes les injustices qui minent la société et l’idée que les élites françaises sont complètement soumises au lobby sioniste. Les divisions dans notre société ne seraient alors plus des contradictions entre classes sociales ayant des intérêts opposés, le clivage devient communautaire « sionistes-establishment » contre « musulmans anti-système ». Et le déchaînement médiatique, la répression de Dieudonné et le manque de réaction de la gauche ne fait que renforcer l’extrême droite.
Aujourd’hui, on ne peut plus être contre la répression que subit Dieudonné sans également prendre ses distances avec ses idées. Et on ne peut plus lutter contre ses idées sans s’opposer fermement à la répression qu’il subit. Il ne faut céder ni sur l’un ni sur l’autre terrain.