Syrie/CNS : Fin de l'état de grâce?, par Hassane Zerrouky
Syrie/CNS : Fin de l'état de grâce?, par Hassane Zerrouky
.. Hillary Clinton a sommé la semaine dernière le Conseil national syrien (CNS) de se fondre dans une «opposition plus élargie capable, a-t-elle précisé, de parler à chaque segment et à chaque composante géographique de Syrie». Autrement dit, elle veut contraindre cette organisation soutenue et financée par le Qatar et l’Arabie saoudite, que l’ex-ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, considérait comme «l’interlocuteur légitime, le pôle autour duquel doit s’organiser l’opposition», à se dissoudre et à ne plus prétendre incarner à elle seule l’opposition syrienne. Piqué au vif et ne s’avouant pas vaincu, le CNS, qui tient ses assises, depuis dimanche, à Doha (Qatar), a inclus plus de 200 nouveaux membres, dans son secrétariat général. Les représentants des militants de l’intérieur composent 33% du secrétariat et formeront le tiers de la direction du CNS, qui doit être élue, mercredi, alors que les minorités religieuses et ethniques du pays sont représentées, à hauteur de 25%. Le but de cette restructuration prise sous la contrainte est de montrer que le CNS est bien la seule organisation représentative de l’opposition syrienne. Mais qu’à cela ne tienne. Washington n’a pas varié de position. Commentant, lundi, cet élargissement, la porte-parole du département d’Etat Victoria Nuland a jugé que «l’augmentation du nombre de membres n’élargira pas, nécessairement, la représentativité» du CNS. Contrairement à la France, qui ne jurait que par le CNS, les États-Unis ont, de tout temps, insisté, sur le manque de représentativité de cette organisation, quand ils ne mettaient pas en exergue les dissensions minant l’opposition syrienne. Qui plus est, l’intransigeance du CNS, encouragée ouvertement par les Qataris, qui se traduisait par un refus de tout compromis avec tout ou partie du régime syrien en vue d’une sortie négociée de la crise, persuadée alors que le scénario libyen pouvait être réédité en Syrie, agaçait au plus haut point les Américains. Qui plus est, le CNS, partisan d’une intervention militaire étrangère, était très critiqué par l’opposition interne, notamment par le Comité de coordination pour le changement démocratique qui regroupe les partis de gauche, nassériens et kurdes, favorable à un compromis négocié avec le régime syrien, compromis incluant le retrait de Bachar al-Assad et ses proches de la vie politique. Décidé de reprendre en main un dossier un peu laissé entre les mains des Qataris et des Saoudiens, Washington mise désormais sur un autre cheval en la personne de l’homme d’affaires et ex-député syrien Riad Seif. Cet homme de confiance des Etats-Unis, que le CNS soupçonne de vouloir refonder l’opposition syrienne afin de négocier avec le régime, propose la création d’une nouvelle instance regroupant toute l’opposition syrienne et dont le CNS ne serait qu’une partie parmi d’autres. Intitulée «Comité de l’initiative nationale syrienne», cette proposition devrait être à l’ordre du jour d’une réunion convoquée par la Ligue arabe et le Qatar à Doha. Elle ne vise rien de moins qu’à constituer, en concertation avec les représentants de l’Armée syrienne libre (ASL) et des comités populaires qui animent les manifestations en Syrie, une direction politique, un conseil militaire suprême et un gouvernement intérimaire formé de technocrates. Le CNS a décidé de participer à cette réunion non pour se dissoudre mais, visiblement, pour neutraliser l’initiative de Riad Seif. Radwan Ziadeh, directeur du bureau des relations internationales au CNS, prévient que l’initiative de Riad Seif est «mort-née : elle est soutenue sur le plan international, mais ne jouit pas d’appui à l’intérieur» de la Syrie de la part des meneurs du soulèvement. En attendant, les violences ne connaissent aucun répit. Pour la première fois, à Alep, de violents combats ont opposé des Kurdes à l’Armée syrienne libre. Tandis que la montée en puissance des djihadistes du Front An-Nosra, nouvel acteur d’un conflit, qui s’enlise, inquiète de plus en plus, y compris, au sein de l’opposition syrienne.
H. Z.