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Le blog de Lucien PONS

À Saint-Victoret, la colère à forte dosimétrie des précaires du nucléaire.

7 Mai 2016 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La France, #La finance dérégulée, #Le capitalisme;, #La mondialisation, #L'écologie., #Europe supranationale, #Energie, #Services publics, #La santé

À Saint-Victoret, la colère à forte dosimétrie des précaires du nucléaire

Élodie Crézé

29 avril 2016 


Pendant deux semaines, la trentaine d'agents de maintenance de l'entreprise Weir de Saint-Victoret, spécialisée dans la conception et la fabrication des soupapes de sécurité pour l'industrie nucléaire, était en grève. La maintenance de sept centrales françaises était à l'arrêt. Une sortie de crise se dessine à présent, alors que les salariés reprennent le travail.

 

 

 

À Saint-Victoret, la colère à forte dosimétrie des précaires du nucléaire.

Il a fallu deux semaines de grève aux « nomades du nucléaire » de Saint-Victoret pour enfin obtenir un début de sortie de crise. Ce terme peu connu désigne les agents de maintenance qui interviennent sur les soupapes de sécurité des 19 centrales françaises, et d’autres à l’étranger, notamment en Ukraine. Depuis le 18 avril, ils étaient en grève pour dénoncer leurs conditions de travail qu’ils jugent dégradées et ainsi tenter de faire plier Weir Power.

Ce spécialiste écossais de la conception et fabrication de soupapes est coté à la bourse de Londres mais le siège français est situé à Saint-Victoret. Ce midi, c’est finalement de Glasgow qu’est parvenue une solution de sortie d’un conflit inédit à Weir. Après un long blocage de la direction locale, la maison-mère a finalement accepté d’étudier une réorganisation du service.

Les 33 salariés français de Weir Power avaient pour principale revendication le manque d’effectif qu’ils estiment à une dizaine de personnes. Sans cesse sur les routes, « sautant de chantier en chantier », selon Alexandre Lucas, délégué CGT du personnel qui ajoute : « on peut difficilement rentrer chez nous le week-end pour voir nos familles. Parfois, on rentre seulement au bout de trois semaines. Ce n’est pas pour rien s’il y a tant de collègues qui divorcent ». D’autant que les salariés viennent des quatre coins de l’hexagone.

Cette mobilité géographique pesante s’ajoute à des conditions de travail déjà pénibles. Elles sont décrites dans un reportage d’Alain de Halleux,RAS nucléaire rien à signaler (2009): des astreintes la nuit, des kilomètres au compteur, des salaires modestes. Les grévistes de Weir souhaiteraient voir augmenter leurs indemnités de déplacement, de l’ordre de 100 euros par jour pour payer hôtel et repas. Quant au salaire de base, il démarre à 1600 euros net.

Sans cesse sous pression, les salariés voient régulièrement leurs congés sauter alors même que leur métier présente de vrais risques pour la santé. Cette dernière est surveillée de près, avec examens réguliers, « même si la médecine n’a pas assez de recul pour les évaluer précisément. Pas assez de morts, en d’autres termes », jette cyniquement Alexandre Lucas.

« LE CLIENT EDF N’EST PAS SATISFAIT »

Tous les 18 mois, les centrales stoppent leur réacteurs afin de les recharger en nouvelles barres d’uranium et d’effectuer une expertise. C’est le rôle des agents, qui reçoivent leurs ordres de mission pour des chantiers durant entre trois à huit semaines. « Mais comme nous sommes soumis à des radiations, notre dosimétrie [mesure de la dose de rayonnement radioactif -ndlr] est très contrôlée et nous avons un taux à ne pas dépasser », détaille Alexandre Lucas. Résultat, lorsque le taux maximum autorisé est atteint, les techniciens doivent respecter un délai avant de retourner sur le chantier. « Comme on manque de personnel, on ne respecte pas le planning imposé par le client EDF, ou alors on vient sur le chantier moins nombreux que prévu et le client n’est pas satisfait ».

À Saint-Victoret, la colère à forte dosimétrie des précaires du nucléaire.

La frustration du client rejaillit parfois avec violence sur les agents. Une altercation survenue peu de temps avant la grève entre un agent et un responsable d’EDF a mis le feu aux poudres et déclenché le mouvement. Il y a quelques semaines, les agents ont envoyé un courrier à la médecine du travail et le CHSCT prépare un rapport. « Nous sommes très nombreux à prendre des médicaments pour dormir, des collègues présentent des problèmes psychosociaux », s’alarme le délégué du personnel qui ironise sur son crâne chauve, « qui n’est pas le fait de la radiation« , assure-t-il.

TROIS PAIRES DE GANTS

Depuis la tragédie de Fukushima, la sécurité a été renforcée. Les contraintes aussi :« On doit enfiler parfois jusqu’à trois chaussons, trois paires de gants, une combinaison, et monter en nage des escaliers, passer plusieurs portiques de sécurité », détaille Alexandre Lucas. Thierry, un autre salarié qui souhaite conserver l’anonymat, s’accroche parce qu’il a choisi ce métier, notamment « pour la technique, pour le matériel de précision ». « Pour la route aussi. Il faut aimer les départs », ajoute Patrick, un ancien qui, en plus de trente ans, est parti seulement trois fois en congés d’été. Les hommes ont intégré le risque, omniprésent et presque banalisé : « on peut être contaminés », lâche Thierry, mine de rien. « L’environnement est difficile, il y a la chaleur, le bruit, les radiations ».

Les problèmes d’organisation qui leur pèsent tant durent depuis 2013, avec un changement de direction et une réorganisation de la société. « Les dirigeants n’ont pas la culture sûreté », glissent plusieurs salariés qui estiment mieux connaître le métier et ses risques que leur employeur. « Les plannings sont de plus en plus courts, modifiés toutes les demi-journées ou presque, la pression du client s’accroît », reprend Thierry qui conserve l’espoir de voir les choses bouger. « C’est la dernière ligne droite, si ça ne marche pas là, je ne sais pas ce que l’on va faire », lâchait Patrick, tout de même inquiet à la veille des négociations.

Ce jeudi après-midi, alors que la grève est levée, les discussions se poursuivent pour savoir de quelle manière rattraper le fort retard accumulé sur les chantiers d’EDF. La maintenance de huit centrales a en effet été suspendue : Civaux, Cruas, Paluel, Graveline, Blayais, Bugey, Chinon et Doel en Belgique. « Nous allons laisser tomber un ou deux chantiers car nous ne pouvons pas tout rattraper », a expliqué ce jeudi Alexandre Lucas.

Un calendrier serait en cours d’élaboration pour lancer la réorganisation du service, « garantie par la direction de Glasgow ». Elle devrait être bouclée pour le 15 juin. Des promesses de nouvelles embauches sont à la clé, sans que le nombre concédé soit encore précisé. Contactée, la direction de Weir Saint-Victoret n’a pas souhaité faire de commentaires

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