Porochenko et l’Ukraine réelle.

10 Juin 2014 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Ukraine

Lundi, 09 Juin 2014 04:00 | Écrit par Danielle Bleitrach | | |

Porochenko et l’Ukraine réelle

08 Juin 2014

Ce soir Marianne m’écrit avec beaucoup de difficultés, à propos de l’ami qui revient de Zaporojie et qui donc pour revenir en Crimée a du subir l’afflux des réfugiés du Donetsk vers la Crimée.

"Ce matin j ai pu parler un peu avec Rouslan au sujet des refugies. Voici ce qu il m a dit. Il devait prendre le train a Kamysh Zaria, c est au nord du Zaporojie, ca touche la province de Donetsk. Il n y avait de billets que pour la semaine suivante. Mais ca ne fait rien, on laisse monter les gens sans billet, mais contre un pot-de-vin, les chefs de wagon et le chef de trains profitent de l’ aubaine.
Pour notre ami, c est 100 grivnas au lieu des 40 habituels, mais il ne recoit aucun titre de transport. La station suivante est Bolchoi Tokman, puis Fedorovka, et en route pour Melitopol. La, surprise, il y a des douaniers, des garde-frontiere avec chiens policiers et kalachnikov. Une frontière au beau milieu de l Ukraine. Les wagons sont passes au peigne fin, le contrôle dure une heure..."

et là Marianne doit s’interrompre, une heure après nouveau message de sa part que je vous livre dans son intégralité pour vous dire les conditions réelles dans lesquelles nous travaillons parfois mais qui sont aussi celle du quotidien confronté à l’Histoire.

"Je t’envoie la suite de l histoire, mais tout d abord je dois te dire que Svetlana demande de tes nouvelles, ce que tu manges, si tu vas à la mer, etc. Et aussi c'est difficile d'écrire, car les lignes sautent sans cesse, les mots se placent n'importe où…

Donc, le contrôle. Portes et fenetres fermées, il fait chaud, les enfants pleurent, on étouffe, quelqu'un demande à ouvrir une porte, mais c'est interdit.

J'AI ECRIT ENCORE 5 LIGNES MAIS TOUT S'EFFACE AU FUR ET A MESURE.
Alors voilà, notre communication se fait au rythme de cet exode vécu par un ami dont la femme est ukrainienne, lui est moitié tatar et russe et il a tenté d’aller aider sa belle mère qui ne touche plus sa pension et vit seulement de son jardin et de ses poules et a très peur de ce qu’elle entend.

L’épicentre du séisme est limité apparemment, il s’agit du Donetsk et même de quelques villes stratégiques dans lequel le combat a lieu. Là c’est l’horreur de cette vidéo: La femme au gilet rouge" de Lugansk…

Elle s’appelait Inna V. Kukurudza,elle était employée d’administration (Conseil régional)

C’est une contribution pour ne jamais oublier le dernier appel et ce dernier regard de INNA nous implorant malgré cette horreur absolue, de crier notre colère et surtout de ne pas les laisser seuls …..face à ces barbares fascistes et leurs commanditaires et leurs complices nauséeux par leurs silences,leurs mensonges,leurs falsifications éhontées…

Vidéo hommage réalisée par Fédor Slava (Huit personnes de tuées,une vingtaine de blessées grièvement…)

Il n’est pas question d’y aller c’est très dangereux et nous encombrerions les combattants qui au contraire par tous les moyens tentent d’évacuer les femmes, les enfants, les vieillards même si certains ont repris du service, c’est un peuple entier qui résiste et qui considère désormais que l’Ukraine est un autre pays. Le sang a coulé. mais tout autour dans de larges zones, les effets sont là et on en ressent les vagues à cause de cet exode des plus faibles, mais aussi de ceux qui cherchent du travail pour tenter de nourrir les leurs…

Rouslan est parti aider sa belle mère et il envisage d’aller la rechercher malgré les problèmes du voyage…

Il décrit l’exode, le désordre généralisé, la taxation des victimes tout cela à partir de l’assaut de l’armée et des forces spéciales venues de Kiev dans le Donbass. Quand Marianne sera là ce soir, on terminera le reportage.

Si Svletana, l’amie médecin chez qui je vivais à Simféropol s’inquiète pour moi c’est que je dois manger sans sel dans une station balnéaire hors saison, alors que l’hôtel lieu d’hébergement des séminaires du parti n’offre des repas qu’à partir de mardi. En attendant, depuis hier soir avec des communistes arrivés de Donetsk, nous nous partageons la cuisine, nous avons réussi à dégoter dans la petite épicerie du coin des oeufs, des tomates et une boîte de thon en conserve, je ne peux pas l’avaler parce que j’ai l’impression qu’il s’agit d’huile frelâtée demoteur.Dans la petite épicerie au coeur d’une cité ouvrière avec ses étendoirs, les gens achètent à l’unité en comptant leur petite monnaie, même ici les difficultés quotidiennes sont apparentes…

Tout cela pour vous dire le décalage entre ce dont il est question en France et ce que l’on vit ici: un ami français m’écrit et me parle de la déclaration de Porochenko sous l’oeil approbateur de Fabius: intégrité territoriale de l’Ukraine respectée, adhésion à l’UE à terme, et l’ukrainien seule langue officielle…
Mais comment vous dire, ce que les gens en pensent, ils s’en foutent complètement de ce que dit Porochenko… Pour les uns, il n’est plus question de céder, ils seront massacrés comme les communards, pour les autres l’Etat est totalement en failite et ils n’attendent rien de ce type là… Ils ont des tas de problèmes à régler…Le tout est de tenir, par ailleurs le désordre est tel qu’il leur paraît sans intérêt, ils se demandent simplement combien de temps il restera au pouvoir avant que ses rivaux lui fassent la peau… quand il y a des zones de sécurité, là où on est enfin protégé du moins dans le sud-est on se fait tout petit. Celui qui est capable de défendre les maisons, les enfants, d’assurer le minimum est approuvé.
Tant que vous ne percevrez pas cela, vous ne comprendrez pas que Poutine a réellement le beau rôle, il assure la protection de la Crimée devenue un sanctuaire, il accueille à Rostov une partie des réfugiés. Il a refusé la généralisation de la guerre. En revanche nous nous sommes aux côtés d’un pouvoir en faillite qui n’est plus que la marionnette des Etats-Unis et qui utlise des fascistes pour mener la guerre contre son peuple… Là encore Poutine narquois nous dit "débrouillez-vous avec ce que vous avez semé!"
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Danielle Bleitrach.