Pour asservir un peuple il suffit de tuer sa mémoire.
Jacques Sapir. Dans Marianne2 le samedi 14 janvier.
Veut-il donc que nous reprenions tous en coeur la célèbre chanson, Au Lycée Papillon, de Georgius et Juel (1) :
« Vercingétorix né sous Louis-Philippe
Battit les Chinois un soir à Ronc'vaux
C'est lui qui lança la mode des slips
Et mourut pour ça sur un échafaud… » ?
La justification de cette mesure était supposée résider dans un souci de « rééquilibrage » entre la terminale S et les autres terminales. Bien faible prétexte en réalité ; les choix, des parents comme des élèves, ne sont nullement influencés par une telle suppression. En réalité, il faut y voir la volonté de quelques-uns de constituer une section S qui soit débarrassée de toutes scories rappelant les sciences humaines. C’est bien l’esprit critique que l’on attaque par cette réforme. La présence de l’histoire et de la géographie dans le « socle commun » en classes de premières ne saurait donc faire oublier les implications de leurs disparitions en terminale S.
On comprend la logique de cette réforme. Elle va accentuer la tendance à former des spécialistes dont la culture générale, en particulier en histoire et en géographie, sera limitée. Nous savons d’expérience combien cette culture générale est indispensable dans la vie sociale et politique. Ces futurs citoyens, dont les connaissances en histoire et en géographie auront été ainsi limitées, seront d’autant plus susceptibles d’accepter des décisions qu’ils en ignoreront les tenants et les aboutissants. En 2009, en réponse à mon article, un collègue de l’Université de Louvain m’écrivait ainsi : « si la science permet de construire des trains, seule l’histoire permet de savoir que certains vont à Auschwitz… ».
Sur un mode plus léger, que l’on me permette alors de citer le dernier couplet du Lycée Papillon :
« Oui, je suis l'dernier, je pass' pour un cuistre
Mais j'm'en fous, je suis près du radiateur
E puis comm' plus tard j'veux dev'nir ministre
Moins je s'rai calé, plus j'aurais d'valeur »
Est-ce donc cela que veulent notre président et son ministre ? Est-ce donc cet avenir qu’ils entendent réserver à la moitié des élèves de séries générales en terminales ?
On oublie trop, en effet, que la connaissance des événements historiques passés est une base essentielle pour la compréhension des problèmes d’aujourd’hui et pour la définition des politiques qu’il faudra mettre en place demain.
C’est donc dans cette situation, à un moment crucial, que l’APHG organise le 28 janvier des « États Généraux de l’Histoire et de la Géographie pour refonder l’école et la citoyenneté républicaines » (2).
Cette initiative sera un point fort d’une mobilisation qui se développe déjà mais qui doit absolument se renforcer. Les enjeux ici dépassent, et de très loin, les seules deux disciplines en cause. Il convient que tous, nous exprimions à travers différentes formes d’action dans les semaines à venir notre inquiétude et notre incompréhension devant ces mesures.
(2) Voir sur le site de cette association : www.aphg.fr
http://www.marianne2.fr/Les-terminales-S-dispenses-d-histoire-mais-gaves-de-Dukan_a214384.html