Le 17 mars à Montréal, Collectif canadien anti-islamophobie a appelé à marcher contre la loi de laïcité qui imposera la neutralité aux fonctionnaires en position d'autorité.
Le 17 mars à Montréal, Collectif canadien anti-islamophobie a appelé à marcher contre la loi de laïcité qui imposera la neutralité aux fonctionnaires en position d'autorité. - David Himbert / Hans Lucas
Tabernacle
Au Québec, la gauche radicale, les libéraux et les intégristes font alliance contre la laïcité
 
Le gouvernement du Québec a décidé d'adopter une loi imposant la neutralité des fonctionnaires. Au pays du multiculturalisme, cette initiative majeure a donné naissance à une drôle de coalition, qui ne recule devant rien pour faire capoter le projet. Ce qui souligne en creux la fracture entre le Canada multiculturaliste et le Québec francophone.

Mais qu'a donc décidé le gouvernement du Québec pour déclencher de telles réactions ? Quelle volonté poursuit François Legault, le Premier ministre, pour se voir accusé de préparer un "nettoyage ethnique", de s'inspirer de Mein Kampf, voire de paver la voie à un attentat au Canada ? En réalité, l'homme politique de centre-droit et son parti au pouvoir, la Coalition avenir Québec (CAQ) entendent simplement appliquer leurs promesses de campagne et faire adopter un projet de loi établissant une laïcité plutôt mesurée dans la Belle Province. Une initiative, soutenue par une large majorité de Québécois (autour de 65% dans les études d'opinion), qui vaut pourtant à Legault un torrent d'injures et de diffamations, révélant la sensibilité de la question du rapport aux religions au Québec, mais également celle de la place qu'occupe la province francophone au Canada. Depuis plusieurs semaines, "les actions des opposants à la loi 21 sont amplifiées alors que la voix des défenseurs de la laïcité rarement entendue, déplore Djemila Benhabib, militante laïque établie au Québec. Il y a un sérieux problème avec la couverture médiatique."

Signes religieux et crucifix

Revenons quelques mois en arrière. En octobre 2018, la CAQ remporte les élections générales au Québec à une large majorité (74 sièges sur 125 à l'Assemblée nationale), chassant le Parti libéral québécois (PLQ) du pouvoir. François Legault, le nouveau chef du gouvernement de la province, a été élu sur deux promesses : une réduction des flux migratoires, et l'instauration de la laïcité au Québec. C'est donc fort logiquement que le Premier ministre annonce le vote de la "loi 21". Le projet est plutôt modéré, mais au pays du multiculturalisme, il représente un tournant considérable : il s'agit d'inscrire le principe de la laïcité de l'Etat dans la constitution du Québec, et de contraindre les employés de l'Etat "en position d'autorité" à ne pas arborer de signes religieux. La mesure s'appliquera aux policiers, aux enseignants, aux directeurs d'école ou aux juges, ainsi qu'au président et au vice-président de l'Assemblée nationale. Elle concerne évidemment les accoutrements et bijoux de toutes religions, le gouvernement ayant décidé de s'en tenir au "sens commun" pour décider de ce qui serait interdit.