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Le blog de Lucien PONS

Larmes de Filoche contre larmes de crocodile.

13 Avril 2013 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Le grand banditisme

VIG_jefferson--le--6-11-2011-JPGPar PIERRE MARCELLE

Moi aussi, la morale ! Moi aussi, la transparence ! Moi aussi, l’indignation ! Moi aussi, le grand déballage ! Moi aussi, pour la promotion de la vertu et pour l’éradication du vice ! Et moi surtout, tant qu’à faire, la colère intacte huit jours après que s’est révélée, de Jérôme Cahuzac, une duplicité dont on se demande encore si elle est achevée.

Une colère qui, n’eût-il tenu qu’à moi, m’eût fait sous-titrer le portrait du chirurgien - ministre - député - évadé fiscal, non pas «indigne», non pas même «salopard», qui est une injure de cour de récré, mais bien «salaud», les yeux dans l’œil du tigre du boxeur capilliculteur. Un gros mot, certes, un mot bruyant et furieux qui fait «le jeu des extrêmes», mais certainement pas autant, tous comptes en banques faits, que ces rumeurs où il est question de coffres en Suisse et dans plein de paradis, partout.

Ma colère serait filochienne, en quelque sorte, du nom du camarade Gérard Filoche, qui l’exprima le 2 avril sur LCI, dans une salutaire sortie dont on a hélas plus retenu la charge d’une émotion au bord des larmes que l’évocation d’un nécessaire recrutement de deux milliers d’inspecteurs du travail. Un peu, en quelque sorte, comme Eva Joly, revendiquant la formation de 3 000 inspecteurs des impôts, propos vite balayé par l’exotisme d’une déclaration de patrimoine où figurent des kayaks «en carbone». Las, Gérard, tu sais bien que ce fumeux Ersatz d’opération «mains propres» qui occupe les estrades et les plateaux, c’est une blague, face à ces cinq millions de chômeurs et dix millions de pauvres que tu disais ce jour-là ! Gérard, Gérard… Jusqu’à quand vas-tu prêter à ton Parti socialiste ta colère en roue de secours et ton indignation en bonne conscience de rechange ?

Moi, ce qui chez Cahuzac, (ex-)membre d’un exécutif issu de mon vote et qui à ce titre agit aussi en mon nom, ce qui tout comme toi me fait honte et pour un peu, m’aurait fait pleurer (mais de rage), c’est au moins autant son maniement de la hache budgétaire que son évasion fiscale. La première n’a de but que de perpétuer un système plus pourri que l’air qu’il nous impose, en détournant des centaines de milliards de l’économie réelle à seule fin de perpétuer des fortunes privées spéculatives. Ce système constitue la forme moderne du capitalisme, et son seul avenir dans une fuite en avant - vers l’abîme - de plus en plus démente. La seconde donne prétexte à une opération dite de «moralisation» (voir Libération de mercredi) dudit système, mécano bricolé avec des hochets pour les petits enfants. Vieille rengaine… Ainsi la doxa libérale nous vendit-elle, depuis 2008 que sa crise s’exacerbe, la réduction des bonus des traders, l’éradication des paradis fiscaux, la séparation des banques spéculatives et de dépôt, et autres amusantes fariboles. Avec le succès que l’on voit. Derrière «les marchés», les actionnaires spéculateurs s’en gavent ; sous l’austérité sans alternative, les peuples en crèvent.

La même amorale et systémique incompétence éclate au grand jour de ceux qui font des affaires, prétendent le faire au nom d’un bien public, et gouvernent, en nom propre ou en prête-nom. Leur objectif proclamé, risible, obscène et oxymoresque, serait aujourd’hui, si l’on a bien compris, de moraliser le profit. Mais voyez Maurice Lévy, notre Warren Buffet de Publicis, se proposant avant-hier de payer plus d’impôts (et puis finalement, non) ; voyez l’ineffable Jean-Marie Messier qui, après avoir plombé les comptes de Vivendi, emballa vingt millions d’euros d’indemnités conventionnelles ; voyez Pierre Richard qui, ayant planté Dexia, prétendit à une retraite-chapeau de 6 000 000 euros annuels ; voyez Didier Lombard, PDG de France Télécom qui enterra avec le service public une trentaine de salariés suicidés, en déplora la «mode» et conserva encore après sa démission un salaire d’un demi-million d’euros annuels au titre de «conseiller spécial».

A ces façons de concevoir la chose publique, Cahuzac n’a pas dérogé. Enfin dégagé mardi soir du PS ou encore perclus de prétendues pulsions suicidaires, il aspirerait à retrouver son poste de député aussi légalement qu’il ouvrit son compte chez UBS. Vérification faite, ce n’est pas une blague, comme on crut d’abord. Déni ou hubris (les psys ?). «Vertige, écroulement, déroute et pitié» (Rimbaud).

Considérant cette arrogance et/ou cette inconscience, l’honnête citoyen ordinaire voit s’inscrire le nouveau dogme : à partir d’un certain niveau de compétence supposée, l’incompétence avérée jamais ne saurait être sanctionnée. Les pauvres, c’est simple ; on ne les vire plus, on les supprime, désormais, à travers leur emploi. Mais avez-vous jamais vu virer un patron pour incompétence, vous ? Plutôt crever, et la boîte avec ! Ça marche aussi dans un gouvernement, ça vaut aussi pour un journal.

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