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Le blog de Lucien PONS

François Hollande doit revenir à l'esprit du discours du Bourget". Article du "Monde.fr".

21 Décembre 2012 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La mondialisation

 

"François Hollande doit revenir à l'esprit du discours du Bourget"
Le Monde.fr | 19.12.2012 à 18h22 • Mis à jour le 20.12.2012
 

François Hollande dans son bureau à l'Elysée, le 17 décembre 2012. François Hollande dans son bureau à l'Elysée, le 17 décembre 2012. | REUTERS/POOL

Dans un chat sur Le Monde.fr, François Kalfon, délégué général aux études d'opinion au PS et cosignataire d'une lettre appelant le chef de l'Etat à changer de cap, estime que le parti socialiste ne peut "pas renvoyer aux calendes grecques le temps de la redistribution"

Certes François Hollande n'est pas Nicolas Sarkozy, des changements de nature progressistes commencent à voir le jour (mariage homosexuel, débat sur l'euthanasie...), mais d'un point de vue économique, il semble marcher sur des œufs. Les œufs du Capital sont-ils si gros ?

François Kalfon : Il est certain qu'aujourd'hui, les marges de manœuvre de l'action politique sont limitées face à une économie mondialisée qui tend à imposer ses règles. Mais faut-il pour autant abdiquer ? Faut-il, une fois élu, céder avant même d'avoir construit un rapport de force ? Je ne le crois pas.

 

Du reste, ce n'est pas ce qui a été fait à Florange. Voyez comme la menace d'une nationalisation temporaire a permis, finalement, de sauver l'ensemble des emplois que Mittal avait prévu de supprimer.

 

FG : Pouvez-nous expliquer le sens de votre démarche ?

 C'est simple : je suis un militant politique et un élu socialiste. J'ai vu l'espoir levé par le candidat Hollande lors du discours du Bourget, qui disait : "Mon ennemi, c'est la finance." J'ai vu ces salariés modestes venir voter en masse pour la gauche. Je vois maintenant le décrochage des catégories populaires, que l'on peut observer à la fois dans les sondages, mais aussi dans les suffrages, comme en témoignent les trois élections partielles que nous venons de connaître.

Et tout simplement, j'entends ce que les citoyens me disent. Ils sont, sans surprise, préoccupés par la situation économique du pays, inquiets pour leur pouvoir d'achat, menacés dans leur propre emploi. Eh bien, je dis qu'il n'y a pas un jour où nous devons oublier la revendication du pouvoir d'achat. C'est sur cette revendication non satisfaite que Nicolas Sarkozy a été battu. Or, il nous reste plus de quatre ans dans ce quinquennat pour la satisfaire.

Dans la boîte à outils que proposaient les soixante propositions du candidat François Hollande, il y en a une qui permet de répondre immédiatement à cette revalorisation salariale : c'est la réforme fiscale redistributive. L'engagement 14. Elle permet, en fusionnant l'impôt sur le revenu et la CSG, de rétablir la progressivité de l'impôt tel qu'il avait été conçu initialement. C'est la possibilité de redistribuer 800 à 1 200 euros par an de pouvoir d'achat aux travailleurs modestes.

C'est-à-dire la possibilité pour eux de payer des vacances à leurs enfants, alors que nombre d'entre eux ne le peuvent plus. Alors pourquoi s'en priver ? Sans doute que les hauts fonctionnaires de Bercy expliquent à longueur de journée aux ministres que cette réforme est compliquée. Sans doute expliquent-ils aussi que la pression fiscale sur les catégories supérieures est déjà suffisamment forte.

Mais moi, je sais de quel côté est l'urgence sociale. Il nous faut choisir, nous ne pouvons contenter tout le monde au même moment. Il faut hiérarchiser nos priorités. Les Français font des efforts, ils acceptent la réduction des déficits et la règle d'or. Nous nous sommes engagés pour rétablir notre compétitivité grâce au crédit d'impôt emploi-compétitivité. Alors, nous ne pouvons renvoyer aux calendes grecques le temps de la redistribution.

Visiteur :  Quel accueil a reçu la lettre que vous avez envoyée à François Hollande ? Aura-t-elle des suites ?

 J'ai reçu de nombreux mails et courriers d'électeurs de gauche qui me disent leur soutien et leur satisfaction de notre démarche. Car ils se sentent ainsi légitimes et entendus. En ce qui concerne le gouvernement, le président ou le parti, je sais qu'ils nous entendent, je sais qu'ils font leur maximum.

A nous de les aider à construire un rapport de force suffisamment efficace pour s'extraire des pesanteurs de la technostructure, de la pression des lobbys, afin qu'ils mettent ce sujet de la redistribution immédiate du pouvoir d'achat en tête des priorités.

Visiteur :  La politique actuelle de François Hollande est cohérente avec ses textes publiés dans les années 1980 (cf . "Pour être modernes, soyons démocrates", Le Monde, 1984) et une ligne économique libérale. Dès lors, la question n'est-elle pas plus simplement de savoir si M. Hollande n'a jamais été du côté des classes populaires ?

 Je m'inscris en faux sur cette lecture libérale de notre politique. Beaucoup de choses ont été faites. Je pense au blocage des loyers dans les grandes villes : cela a un effet immédiat sur le pouvoir d'achat. Pas plus tard qu'aujourd'hui, le gouvernement a proposé un projet de loi bancaire qui luttera contre les interdits bancaires et contre les pénalités que les banques imposent aux personnes en difficulté financière.

Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples, comme la discussion actuelle par les partenaires sociaux, que le gouvernement soutient, qui propose de rendre obligatoire le fait d'avoir une mutuelle de salariés, ce qui est loin d'être le cas.

Tout cela, ce sont des régulations au marché. Alors, bien sûr, quand on est au pouvoir, on est confronté à un certain nombre de réalités, on est confronté aux rapports de force qui existent dans la société et qui sont favorables aux mécanismes de marché. Il faut avoir "du ventre" pour tenir bon. Regardez l'histoire de la nationalisation temporaire : hier, tout le monde considérait cela comme archaïque, aujourd'hui, tout le monde convient que c'est un outil utile. Même si, bien sûr, l'opportunité de son utilisation fait encore débat.

Mais contrairement au passé, où certains de ses prédécesseurs ont dit : "Face au chômage, on a tout essayé", je vois un gouvernement qui a entamé le redressement productif, même si, bien sûr, jour après jour, il faut l'appuyer dans ses combats et ses décisions.

Mais n'oublions pas, tout de même, que pour redistribuer du pouvoir d'achat, il faut produire. Or, ce sont les entreprises qui le font. Il faut donc leur permettre de le faire dans de bonnes conditions. Cela signifie aussi qu'il ne saurait y avoir de compétitivité sans un juste équilibre entre logique de marché et demande sociale légitime.

Visiteur : La question elle-même peut surprendre ; le PS n'est pas particulièrement le parti, traditionnellement, des classes populaires, mais celui des fonctionnaires et de la classe moyenne urbaine... Les "classes populaires" votent plus à gauche ou très à droite (cf. la composition de l'électorat FN)... Hollande fait-il donc un tel reniement, voire un tel sacrifice que ça ?

Votre analyse de sociologie électorale me semble factuellement assez pertinente. Et moi-même, qui suis un analyste de la vie politique, expert des questions d'opinion, je peux partager un tel constat. Mais ce qui nous différencie, c'est que je ne suis pas simplement dans le commentaire. Je suis un homme d'action, un militant politique, et si je me suis engagé dans cette voie, à gauche, c'est que je veux que les inégalités sociales régressent et que le champ des possibles s'élargisse pour ceux qui subissent davantage de domination.

Cela signifie que je suis soucieux du destin des catégories populaires. Lutter contre l'injustice sociale fait partie des éléments identitaires de la gauche. C'est pourquoi, même si, comme d'aucuns l'ont théorisé, on pourrait envisager un PS réduit aux fonctionnaires, aux habitants des centres urbains, aux jeunes et aux minorités, moi, je ne m'y résous pas. C'est le sens du combat de la gauche populaire et de la quinzaine de parlementaires qui ont signé avec nous cet appel, parmi lesquels mes amis Philippe Doucet et Laurent Baumel.

Visiteur :  Parmi les onze députés cosignataires de la lettre appelant le chef de l'Etat à réorienter sa politique, neuf ont voté en faveur du traité budgétaire européen et deux se sont abstenus. N'y a -t-il pas un paradoxe à se déclarer partisan d'une vraie politique sociale tout en validant un mécanisme dont on sait déjà qu'il conduira à l'austérité imposée et à la fin de l'Etat providence ?

Vous savez, si on cherche l'équation chimiquement pure, me semble-t-il qu'on s'éloigne de la politique et de la volonté de rassemblement. Si François Hollande a gagné, c'est qu'après la fracture sur le traité constitutionnel européen que le PS a vécue, nous avons su dépasser ce clivage et nous rassembler sur une ligne de réorientation de la construction européenne.

C'est la thématique du juste échange. C'est le combat pour la réorientation de la construction européenne, pour la réorientation du budget européen en faveur de l'industrie. Bref, pour la fin d'une vision univoque de la concurrence libre et non faussée.

Le "produire français", on pourrait même dire le "produire européen", a le vent en poupe. A nous d'identifier les filières d'excellence européennes : les énergies vertes, l'économie créative, les grandes infrastructures de transport, qui ne sont pas soumises à la concurrence des pays à bas coûts. A nous aussi de sortir de la naïveté de la Commission européenne, qui, au lieu de construire des champions européens, a préféré traquer de façon maladive les "ententes" et fluidifier de façon névrotique les mécanismes de marché là où nos concurrents asiatiques et américains consolidaient leurs champions et protégeaient leurs marchés.

Visiteur :  Ne pensez-vous pas qu'il y ait un important décalage entre le François Hollande candidat qui s'est appuyé sur les ouvriers, en leur promettant notamment le retour partiel de la retraite à 60 ans et l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire (modeste en coût), et celui qui accorde un crédit d'impôt de 20 milliards aux entreprises? Pourquoi cette dernière mesure ne figurait-elle pas au programme?

Vous avez raison, les socialistes auraient dû d'emblée prendre au sérieux le sujet de la compétitivité qui, autrement dit, est celui de la protection de nos emplois industriels. Mais pour des raisons d'opportunité, nous n'avons pas voulu traiter sérieusement la question de la TVA sociale, parce que la droite le proposait.

On a préféré penser que les délocalisations n'étaient qu'une question de compétitivité "hors coûts". Or, compte tenu du faible degré de spécialisation de notre industrie, le problème de la compétitivité coûts se pose bel et bien. Ce crédit d'impôt accordé aux entreprises est une manière de redonner de la compétitivité à nos entreprises, et donc de protéger les emplois les plus exposés.

Car la France connaît une originalité dévastatrice : elle fait reposer l'essentiel du financement de sa protection sociale sur le seul travail, ce qui le renchérit de façon invraisemblable. Ce crédit d'impôt permet simplement une chose : rendre le travail moins cher sans aucune perte de salaire pour les salariés. Ce qui, pense-t-on, doit permettre de protéger leur emploi.

Guillaume :  Quand on observe le contenu de la loi bancaire, on a l'impression que le gouvernement a abdiqué. J'attends beaucoup des députés d'ailleurs dans les amendements qu'ils vont proposer.

Commençons par dire que la loi bancaire française est la première qui soit votée en Europe. C'est même la première transcription dans notre droit positif des recommandations du G20 post-crise Lehman Brothers. Ensuite, la séparation des activités de dépôt et de marché est quand même faite, puisque ces dernières devront être filialisées.

Toutefois, il est extrêmement difficile de qualifier l'activité purement spéculative d'une banque, parce que parfois, elle agit sincèrement pour un client. Prenons un exemple : si une banque achète à terme du kérosène pour le compte d'une compagnie aérienne, on ne peut pas dire qu'elle spécule : elle couvre la compagnie du risque de variation des prix du pétrole.

Par contre, si elle achète des options d'achat sur ce carburant sans lien avec une volonté de couverture d'un client, là, nous entrons clairement dans une activité spéculative. Mais soyons honnêtes : ce n'est pas toujours facile à identifier. Et soyons lucides : l'imposition de règles prudentielles saines est un combat de longue haleine, auquel s'opposent à la fois le lobby bancaire, qui est puissant, et des Etats importants de l'Union. Je pense notamment à la Grande-Bretagne.

Visiteur :  Le PS se rend-il compte qu'il se coupe profondément de ses électeurs par sa manière de vouloir imposer par la force et la violence un projet aussi aberrant et inutile que celui de Notre-Dame-des-Landes ?

D'une façon générale, il me semble sain, dans les grands projets d'infrastructure, de passer par une phase approfondie de concertation. Ce projet d'aéroport ne date toutefois pas d'hier. Cela fait très longtemps que la nécessité de cet équipement est en débat.

Alors, cela a fait l'objet d'une confrontation, parfois violente, qui bien évidemment n'était pas souhaitable. Le gouvernement a entendu, après cette phase de contestation, que la discussion devait reprendre son cours. Une commission a été créée. J'espère que l'esprit de responsabilité prévaudra. Maintenant, distinguons quand même ceux qui sincèrement et pacifiquement contestent le bien-fondé de cet aéroport, et les groupes autonomes ultraviolents qui nous renvoient à une forme d'intolérance bien plus grande encore que ceux qui s'entêteraient à vouloir coûte que coûte un tel équipement.

Visiteur :  La Gauche populaire va-t-elle se constituer en courant du PS, et présenter des candidats aux élections internes du PS ?

Nous n'en sommes pas là. Nous en sommes simplement à affirmer une sensibilité politique, celle qui place la question sociale au cœur, et qui remet en avant ces fameuses catégories populaires oubliées, et cela est en soi un combat. Ensuite, quelle forme cela prendra ? Nous en discuterons avec ceux qui partagent nos perceptions, nos orientations, qu'ils soient dans le PS ou ailleurs.

Maintenant, est-ce que l'orientation et les analyses de la Gauche populaire ont vocation à imprimer le débat du Parti socialiste ? Je réponds qu'il serait dommage de s'en priver, car laisser faire une certaine dérive, c'est abdiquer de ses convictions. Or, il s'agit là précisément du sens inverse de notre démarche.

givensunday : Etant donné que les caisses de l'Etat sont plus que vides, quel argent voulez-vous redistribuer ? Cela passe-t-il par une augmentation des prélèvements ?

En ce qui concerne la réforme fiscale, nous l'envisageons à prélèvements constants. C'est une autre répartition de l'effort que nous imaginons. Maintenant, cela peut paraître étrange de dire cela, avec un peu de courage, des marges de manœuvre, il y en a ! Songez que le programme emplois-jeunes coûtait au budget de l'Etat 3 milliards d'euros et que les dépenses de formation professionnelle, dont on peut sérieusement douter de l'efficacité, représentent un pactole de 31 milliards d'euros ! Il y a donc de l'argent dès lors qu'on s'attaque à un certain nombre de tabous.

De la même façon, si c'est la lutte contre les injustices qui guide nos pas, il y a sans doute d'autres façons de faire pour gérer l'argent public. Songez que nos dépenses d'éducation sont, avec les Etats-Unis, les plus élevées au monde (rapportées au PIB). Alors que la Finlande, qui n'apparaît qu'au 15e rang pour ces dépenses, dispose du système scolaire reconnu dans tous les classements comme le meilleur du monde. Tout simplement parce qu'on place la réussite scolaire au cœur du système, plutôt que l'aberrante logique de sélection qui conduit en fait à la reproduction sociale.

Visiteur :  Le problème de popularité de l'actuel gouvernement n'est- il pas aggravé par une contestation systématique à sa gauche, le bloquant au Sénat et rendant confus ses propositions ? Votre lettre ne risque-t-elle pas d'aggraver les critiques, au risque de restreindre davantage le champ d'action du gouvernement ?

Dans votre question, il y a deux aspects. C'est vrai que la gauche est divisée, entre ceux qui assument l'exercice du pouvoir et ceux qui le rejettent. C'est regrettable, et cela ne correspond d'ailleurs pas au souhait des électeurs du Front de gauche qui, dans leur immense majorité, veulent la réussite de ce gouvernement.

Comme en témoignent la qualité des reports des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour sur François Hollande (plus de 90 %) et le haut niveau de soutien dans les sondages de son électorat à la politique du gouvernement, qui tranche avec le front du refus d'un certain nombre d'élus de cette sensibilité.

En ce qui nous concerne, nous assumons complètement la logique de gouvernement et l'identité sociale-démocrate. Simplement, quand beaucoup de clignotants passent à l'orange, et que de nombreux responsables préfèrent regarder dans une autre direction, alors, oui, nous prenons la responsabilité d'interpeller ceux de nos amis qui sont au pouvoir. En espérant être entendus.

Pierre Sel :  Pensez vous que la politique présidentielle, désavouée par les Français, risque de refaire basculer les mairies et régions à droite ? Dans quelle mesure le PS se bat-il pour expliquer la politique gouvernementale, notamment aux classes populaires ?

Expliquer la politique gouvernementale aux classes populaires, faire partager l'urgence populaire à ceux des nôtres qui sont en responsabilité, est une préoccupation quotidienne pour mes amis de la gauche populaire et pour moi-même.

Oui, nous craignons une sanction aux élections municipales et régionales si nous ne sommes pas capables d'envoyer des signaux forts. C'est le sens même de notre adresse au gouvernement. Non pas comme une contestation ou une sanction, mais comme une invitation que je m'adresse d'abord à moi-même, celle qui consiste à revenir à l'esprit du Bourget, dans lequel beaucoup d'électeurs des classes populaires se sont retrouvés, permettant à François Hollande de devenir président de la République.

 

http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/12/19/francois-hollande-doit-revenir-a-l-esprit-du-discours-du-bourget_1808636_823448.html

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